Débuts imprévus

Toute l’équipe de Grandir Nature se joint à moi pour vous souhaiter une très bonne année 2017 avec  plein de tétées et  du lait maternel qui coule à flot !!! 🙂

Pour commencer cette nouvelle année, j’ai choisi de publier le témoignage de Myriam, maman d’une grande prématurée qui va nous parler de son histoire en plusieurs parties. Voici un témoignage plein de courage.

Cinq mois de grossesse, notre petite merveille naît. Victoria mesure 33 cm et pèse 690g. Naissance inattendue pour un bébé d’une fragilité extrême. Le service de réanimation, ou « réa » devient son nouveau cocon, notre seconde maison. Un monde qui a son propre espace temps, peuplé d’êtres humains lumineux, les plus petits qui soient.

Avec cette naissance prématurée démarre l’attente. On ne le mesure pas encore bien mais c’est extraordinairement dur. Petit à petit, les minutes se muent en jours puis en mois. On s’accroche au peu que l’on puisse apporte, à commencer peut-être par mon lait.

Y a pas de mots pour décrire ce que je ressens alors. La Vie de ma fille tient à un fil. Ma tentation est si grande de me décourager. Pourtant, la solution est là, continuer d’y croire, et avoir pour seul et unique objectif de garder confiance parce l’on ne maîtrise rien. On peut contrôler ce qui vient de soi, planter l’espérance dans un terreau fertile, chaleureux et bienveillant, cultiver son jardin intérieur pour espérer récolter les plus beaux fruits qui soient. Il y a des ingrédients nécessaires et que l’on retrouve chez tous les rayonnants sortis de ces épreuves : l’amour, la joie et l’espoir toujours en ligne de mire. Ça n’enlève pas la souffrance, ni les larmes mais l’enracinement est trop important pour que la tige poursuive son chemin pour s’élever.

Le quotidien, c’est juste se remémorer très régulièrement du seul ou des quelques petits moments positifs. Il y en a toujours un même dans la pire de la pire des journées. S’accrocher à ces sourires en fait partie, à ces rires entendus au loin. Sentir cette brise légère caresser notre visage quand on est dehors. Garder en mémoire les messages d’un proche ou d’un ami qui nous veut du bien, qui envoie des wagons de courage et une locomotive de force, ou juste qui prie pour nous dans cette situation à laquelle on ne comprend rien. Romain Gary disait à juste titre : “Vous ne pouvez pas attendre de la vie d’avoir un sens. Vous devez lui en donner un ». Et c’est bien ce sur quoi nous nous sommes concentrés. C’est ce qui m’a aidé à trouver mille et une ressources en moi pour recueillir le précieux liquide. Mon or, son médicament, ce lait qui préserve ce lien incomparable entre ma merveilleuse fille que j’aime tant et qui lutte pour s’accrocher à la vie.

Puis chaque jour, avancer, sonner à l’interphone, attendre patiemment que la porte s’ouvre et se referme, poser un pied puis l’autre jusqu’au casier, déposer mon manteau, dérouler mon écharpe, chaque geste avec une temporalité propre, celle de la réa. Puis me diriger vers les lavabos, et méticuleusement, accomplir les rites de désinfection, porter l’habit de circonstance, le masque et repartir vers les berceaux. Mettre tous mes sens en éveil, en étroite connexion avec le présent, vivre, sans perdre un instant.

Sur chaque mur un peu sombre que je rencontre, je dessine un petit ange à la craie. Pour donner de la douceur au monde.” Jean-Charles de Castelbajac

Au moment de dire bonjour, je recherche les yeux de la personne qui est là juste pour me donner toute la force dont j’ai besoin pour continuer mon chemin. Il y a une osmose, une harmonie qui se crée entre le personnel soignant et les parents qui ne nécessitent pas d’explications ; les regards se suffisent à eux-mêmes.

Mon seul but alors : être présente et disponible pour Victoria, en réa, me tenir près de la couveuse pour la soutenir dans ce qu’elle vit, les bons moments et les bonnes nouvelles comme dans les difficultés et les jours plus compliqués.

Myriam en contact avec Victoria - couveuse

Je me souviens d’une après-midi particulièrement éprouvante. J’avais le moral en dents de scie. Je passais d’un état rassuré à inquiet en deux minutes. C’est alors que j’ai envoyé un texto à Suzanne, la responsable de l’aumônerie. Elle seule a le droit d’effectuer des visites à l’improviste dans le service. Elle était disponible et a mis peu de temps pour nous rejoindre. Sa seule présence me rassure et son écoute est inestimable. Je la revois avec son sourire jusqu’aux oreilles, ses yeux qui pétillent d’allégresse. Je lui ai expliqué la situation, elle voyait bien que j’avais le moral dans les chaussettes, épuisée par ces sonneries, le scope ( appareil pour surveiller le rythme cardiaque de bébé ) et ce service que je voulais fuir. Je ne sais même plus ce qu’elle a répondu, parce que c’était davantage sa prestance que ses mots qui m’ont touchée. La puéricultrice a scotché sur la porte une note « ne pas déranger ». En ces instants éprouvants, nous nous sommes mises à prier, juste ce qu’il faut pour me consoler et me réconforter. Suzanne connaît les mots pour dire, pour prier comme il se doit lorsque l’on est incapable de restructurer sa pensée, l’affect marqué à vif.

Quand je repense à cette période fragile de notre aventure, je me souviens aussi que le dialogue avec nos proches n’était pas facile non plus. C’est difficile de décrire ces instants, mes émotions de mère. L’impression que toutes nos souffrances sont banalisées. Et pourtant, c’est tellement vrai, se sentir impuissant devant l’inacceptable, la souffrance d’un enfant et de sa mère, ça touche tout le monde en plein cœur.

Alors quand – après des semaines – vient enfin le moment où je peux porter ma Victoria dans mes bras en peau à peau, le silence s’installe, l’amour circule enfin avec une intensité que rien ne peut atténuer. Comme si l’énergie était tellement contenue, qu’enfin libérée, la fleur s’épanouit et s’ouvre au grand jour, pour notre plus grand bonheur.

Cramponnez-vous, tant que la vie palpite…
 Ne lâchez rien, c’est le seul moyen d’aller plus haut!” (Pierre Lunel)

Et quand la sortie se fait tellement désirer, je rencontre Rachel au self, une pédiatre qui s’installe à ma table pour manger ! Au moment-même où le doute s’installe, je me sens lasse, figée au bord du chemin. Elle est alors un témoin formidable et je reprends ma route le cœur plus léger. Ce sont des discussions que je n’oublierai pas. Ce jour-là, elle m’a complètement redonné espoir quant à notre sortie.

C’est aussi grâce à Rachel, que bravant le règlement, Victoria a rencontré ses sœurs à l’hôpital, et le cœur tout brûlant nous avons savouré cette joie de nous retrouver à 5 au même endroit et au même moment. Chaque jour passé aux côtés de Victoria me fait dire la Vie est très précieuse, n’en loupe pas un instant.

J’ai décidé de profiter de tous ces bonheurs à fond, à 100 %, comme les tétées d’intense proximité. Je dois ces tétées en partie à Shasha, surnom donné à Shadock, mon tire-lait qui ne m’a pas quitté pendant bien 2 ans. Donner mon lait à ma fille, j’ai décidé d’en faire mon défi quotidien. Les études scientifiques récentes prouvent qu’un nourrisson a moins de soucis de santé quand il est nourri de lait maternel. Alors Victoria serait allaitée longtemps, c’est une évidence. Le lactarium a stocké jusqu’à quinze litres de mon lait, pour être sûre qu’elle n’en manque jamais.

Et puis après deux mois d’une attente stressante, j’entends la pédiatre déclarer pour la première fois que « Victoria a une évolution favorable ».  Au bout de 4 mois 1/2 d’hospitalisation en réanimation et en médecine néonatale, Victoria est rentrée à la maison, la veille de la fête des mères. Nous sommes enfin réunis : la séparation forcée d’avec une partie de ma famille me pesait considérablement.

D’aucuns reconnaissent qu’on ne quitte pas la réa indemne. Ce microcosme vous transforme complètement et si intensément qu’après on ne peut plus voir la vie de la même façon. Victoria a maintenant 3 ans1/2, elle est en petite section, aime beaucoup l’école et son maître. Elle s’émerveille de tout, a une détermination qui n’a d’égale que sa soif de vivre.

 [Auteure] :  Myriam Dutilleul

[Biographie] : Mère d’Élisa, Marion et de Victoria, Myriam Dutilleul a consacré 3 années à soutenir bénévolement des mères qui allaitent par le biais de l’association La Leche League. Elle est éducatrice en environnement.

Merci à Myriam pour cette article et ces photos.

 

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