Le père et l’allaitement : ensemble dans la « breastfeeding team »

Lorsqu’une maman ou future maman me sollicite, j’invite son partenaire à se joindre à elle, et je suis heureuse de compter un certain nombre d’entre eux en consultation, dont certains prennent sur leur temps de « RTT ». Tout le monde sait que si le papa est « pour » l’allaitement, et qu’il « soutient » sa compagne, ça marchera mieux, plus longtemps, et que les difficultés ont plus de chances d’être dépassées. Mais ça va beaucoup plus loin ! Avant de vous décrire pourquoi et comment l’on peut et devrait inclure le papa dans la « breastfeeding team* », permettez-moi de vous raconter quelques petites anecdotes.

Une maman vient avec des seins pleins de lait. Elle souffre de plusieurs canaux bouchés. Je vais consacrer une large partie de la consultation à masser ses seins, à l’aider à extraire son lait, en veillant à apporter de l’attention au bébé tout en vérifiant le tire-lait. La présence du papa fut là particulièrement utile, car la prise en bouche fut compliquée à améliorer et demanda du temps. En parallèle, les massages pour les canaux bouchés durent se poursuivre plusieurs jours. Le papa put ainsi continuer et reproduire à la maison les gestes appris en consultation.

Un autre papa m’a appelé une fois, parce que sa femme souffrait d’un énorme pic de fièvre, et n’était pas en état de parler au téléphone. Il prenait la relève, tout simplement. Il s’avéra qu’elle déclarait une mastite.

Le futur papa est souvent en faveur de l’allaitement, même si la décision finale revient généralement à la mère. Pourtant assez rapidement, il peut se sentir totalement démuni. Les papas éprouvent eux aussi physiologiquement du stress, de la douleur psychique. L’arrivée d’un nouveau-né est stressante, dans le sens où un nouveau membre entre dans la famille. Il y a une période d’adaptation.

Les seins de sa compagne ne sont plus ces atours que lui seul peut admirer dans leur intimité. La sexualité du couple peut en pâtir parce qu’ils n’ont pas encore trouvé les ajustements nécessaires lors de l’arrivée du bébé, qu’il soit allaité ou pas.

Il se peut aussi parfois que l’allaitement soit douloureux et le père se sent inefficace, insignifiant. Il a l’impression qu’il n’a pas de contrôle, aussi bien devant sa compagne qui souffre (crevasses, manque de lait, etc.), que devant ce bébé qui hurle de faim.

Personne ne devrait l’ignorer ! Mais le papa a un système qui limite ses risques d’extrême désarroi et de « perte des pédales » si on le compare à une maman désemparée, peu confiante, qui est tellement stressée et endolorie qu’elle en oublie tous les bons conseils reçus, et que le peu de confiance en elle-même partent en poussière. Le papa est alors précieux, il prend l’enfant qui hurle dans ses bras et parvient à le calmer, il prend parfois le téléphone et appelle une ressource en allaitement, ou encore il console sa compagne, et là, se rappelle les bons repères d’installation.

Un grand nombre de personnes (et parfois le père lui-même) le réduisent à celui qui pourrait donner un biberon, comme si l’allaitement maternel empêchait une relation étroite entre père et enfant, et que seul un biberon (de l’occasionnel au fréquent) était sa seule relation possible.

Mais ils peuvent faire du peau à peau avec l’enfant nouveau-né, ce n’est pas seulement réservé à la mère, et encore plus lorsque cette dernière se trouve séparée pour des soins. Nous rions alors lorsque je les mets en garde qu’à peu près tous les papas se sont fait attraper leur mamelon en bouche, mais souvent l’enfant les recrache car le lait ne coule pas de ceux-là. Ajoutons que le peau à peau n’est pas réservé aux premières heures. En outre, qui a dit qu’un papa, à défaut d’une maman, ne peut pas faire de grosses plages de peau à peau même lorsque l’enfant a passé un mois d’âge ?

Le père peut également aider la mère à se positionner pour allaiter, amener une bouteille d’eau, une collation… Et quand tout le monde est bien installé, prendre une photo, et faire un gros câlin à sa famille.:)

Il peut aussi porter son enfant dans une écharpe,  à la maison comme pour une balade familiale. Il peut donner le bain, changer les couches. Bien sûr, il peut participer ou prendre en charge tout ou partie des travaux ménagers. Il peut s’occuper  du nouveau-né après une tétée, et laisser à la maman la possibilité de sortir se promener avec les aînés ! Car eux aussi ne doivent pas être oubliés. Le papa impliqué très tôt dans les soins de son enfant, dans le portage, le massage, le peau à peau, dans l’aide intrinsèque de la « breastfeeding team »* est un papa-compagnon dont l’existence est visible, tant aux yeux de la société, qu’aux siens. Il ne se sent plus dépassé, ni démuni, ni mis à l’écart. Il est, devient, reste, un soutien important .

* NDLR : L’équipe de l’allaitement

[Auteure] : Françoise Coudray, consultante en lactation IBCLC, formatrice et conférencière, Françoise Coudray est également la présidente fondatrice de l’A.D.J.+

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