Je passe devant la salle d’attente de ma consultation hospitalière, remarque un couple que je situe dans les 35 ans, et surtout le regard insistant du monsieur qui semble inquiet d’être au bon endroit. Il me voit, me sourit et parle à sa femme qui relève la tête et m’adresse un gentil sourire que je lui renvoie. Je constate qu’elle a déjà un petit ventre bien rond.
Ce n’est pas encore habituel de recevoir en consultation de sexologie une femme enceinte, et pourtant quel chamboulement corporel ! Il y a de quoi perdre quelques repères pour les futurs parents, non ? S’en inquiéter et demander de l’aide me parait faire preuve de bonne santé mentale.
A ce propos, je me souviens de mon professeur de sexologie qui nous conseillait d’éviter les parturientes, et imposait d’attendre 2 ans après l’accouchement pour les accepter en consultation. Je n’étais déjà pas d’accord avec lui pendant mon diplôme universitaire ; je ne lui suis toujours pas.
M. et Mme B. sont donc assis devant moi. C’est lui qui parle, elle le regarde tendrement. Elle semble heureuse d’être là.
- Je vous ai entendue au réseau périnatalité il y a 15 jours, dans le couloir, commence-t-il. Vous avez évoqué quelque chose qui m’a intrigué. Vous avez dit : « la bouche, les seins, le clitoris ou le pénis pour l’homme, l’anus, tous ces organes sont liés dans le plaisir sexuel. Il ne faut pas avoir peur des sensations, il faut les accepter mais ne pas confondre voilà tout ! »
Je me souvins en effet de cette discussion que j’avais eue avec une sage-femme qui sentait bien que certaines de ses patientes aimeraient lui parler sexualité mais n’osent pas toujours le faire, de peur de la choquer. Les sages-femmes sont au cœur de la problématique de confusion possible entre le sexe et l’enfant, elles ont un rôle fondamental à jouer dans la déculpabilisation.
Il poursuit :
- A notre premier enfant, Claire allaitait et c’était vraiment merveilleux, mais assez rapidement… (et là il rougit, n’ose pas continuer et c’est elle qui prend la parole)
- cela m’a donné envie de me masturber, explique-t-elle.
- Pas en même temps bien sûr (rajoute-t-il avec empressement). Nous avons tout de même décidé qu’il valait mieux arrêter l’allaitement car cela ne me paraissait pas normal.
J’avoue que je me demandais même si ce n’était pas malsain pour le bébé que l’allaitement provoque chez elle de telles envies.
Alors pour ce deuxième enfant, nous étions résignés à ne pas recommencer l’expérience… de peur que…
Cet aveu sincère permit d’ouvrir un dialogue. Nous avons pu parler « d’avant » la première grossesse, de leur sexualité « d’avant », de leur rythme de plaisir et des sensations physiques pour leur faire comprendre que tout est une question d’équilibre et de sens. Leur sexualité était tout à fait épanouie, heureuse et régulière. Par contre, ils avaient convenu que la masturbation n’avait pas lieu d’être. Une discussion à ce propos avait eu lieu assez tôt dans leur histoire lors d’un épisode joyeux où Claire s’était caressée pendant le rapport, ce qui avait choqué notre Prince Charmant qui voulait être seul responsable du plaisir de sa Belle…
Il avait simplement oublié que personne ne fait jouir personne.
Avant de le rencontrer, Claire avait une pratique régulière de masturbation : souvent le soir pour bien dormir, et toujours quand elle avait mal à la tête ou quand elle était trop stressée. Mais elle avait accepté d’arrêter puisque le « faire l’amour » était fréquent, heureux et amoureux !
Il n’empêche que son corps était habitué à ces sensations bien agréables qui régulent l’organisme chimiquement. Physiologiquement, les substances déversées dans le corps par l’activation des zones érogènes puis le déclenchement du réflexe orgasme, sont parfaitement saines et positives pour l’état général.
Les seins étaient partie prenante dans la sexualité « d’avant », donc réactifs en matière d’excitation érogène. Après l’accouchement les rapports avaient été perturbés et reportés du fait d’une cicatrice douloureuse d’épisiotomie, et tout naturellement la stimulation par l’allaitement avait réenclenché le circuit de la récompense… de plaisir sexuel.
Il n’était pas possible de faire l’amour comme « avant » et le corps de Claire s’est souvenu de la solution magique pour aller bien, vraisemblablement de manière inconsciente.
Si le classique « préliminaires/pénétration » est souvent une valeur sûre pour obtenir un plaisir partagé « avant » les enfants, il ne faut jamais oublier qu’une sexualité heureuse se construit à deux, toute la vie, par le dialogue, l’aveu, la tolérance, le respect et la confiance. Le rôle du sexologue est de vérifier si la communication est bonne : c’est un généraliste du sexe à qui on peut tout dire (secret professionnel) et qui traduit pour l’un ce que l’autre veut signifier… avec un sourire, première expression faciale universelle et rassurante.
Laura a deux ans, sa maman l’a allaitée 6 mois. A mon avis tout va bien car ses parents m’ont envoyé une gentille carte d’Italie où ils sont partis passer un week-end en amoureux !
[Auteure] : Dr Manon Bestaux
[Biographie] : Manon BESTAUX, sexologue clinicienne hospitalière et libérale, est la présidente du syndicat national des sexologues cliniciens (www.snsc.fr). Chargée de cours en sexologie aux étudiantes sages-femmes, elle a mis en place des ateliers “sexualité” dans le cadre de l’ E.T.P. (éducation thérapeutique du patient) dans l’après-cancer du sein. Elle est également l’auteure du livre “le sourire et le sexe”, et du “carnet n°1 du plaisir sexuel féminin”, disponibles sur www.editionsparticulieres-sprl.com.
Bonjour
J’éprouve beaucoup de plaisir à allaiter mon bébé âgé aujourd’hui de 5 mois.
En revanche je perds mes cheveux et je voudrais savoir si je peux utiliser des huiles essentielles en masques ou shampoing ( par exemple: bay st thomas, ylang ylang, …) alors que j’allaite.
Au plaisir de vous lire.
Bonjour Delphine,
Après recherche, il est contre-indiqué d’utiliser l’huile essentielle bay st Thomas durant l’allaitement concernant l’ylang-ylang je n’ai rien trouvé mais dans l’ensemble, on déconseille les huiles essentielles durant l’allaitement surtout avant 3 ans.
La chute des cheveux après une grossesse est physiologique mais vous pouvez utiliser certains compléments alimentaires pour la diminuer, renseignez vous auprès de votre coiffeur ou de votre pharmacie.