Lorsqu’une mère reçoit de l’aide dans son allaitement, il arrive qu’elle ne souhaite pas suivre les suggestions qui lui sont proposées car elles ne lui conviennent pas culturellement. La personne qui la conseille a bien évidemment à l’esprit une trousse à outils et des stratégies éprouvées. Elle devrait toujours en partager les avantages inconvénients, et les risques de ne pas les suivre.
Elle devrait tout autant vérifier que cela convient culturellement à la mère, car ne pas le faire peut, dans certains cas extrêmes, se révéler dramatique. La maman peut se sentir incomprise et finir isolée, en larmes. Son problème peut aussi empirer car elle n’aura pas suivi la stratégie et n’aura pas été informée d’autres possibilités,
Il est bon alors de reposer régulièrement la question : « Pensez-vous pouvoir faire ceci ? », « Que pensez-vous de cette suggestion ? ». Dans un certain nombre de cas, la culture sera portée en avant, et de nouveaux conseils seront alors proposés, Dans d’autres cas, la maman acceptera de s’ouvrir à quelque chose de nouveau avec un minimum d’adaptation.
Puisque naturellement les mères sont compétentes culturellement, chacune d’entre elles va choisir ce qu’elle se sent capable de mettre en place compte-tenu de l’information qui lui a été apportée. Par exemple, une mère juive pratiquante choisira ce qui lui semble le «moins mauvais» entre extraire son lait à la main ou allumer son tire-lait lors du Shabbat quand on n’a pas prévu de brancher à l’avance l’appareil sur minuteur comme cela se fait dans certains hôpitaux.
Parfois, nous proposons de mettre du froid sur les seins de la jeune accouchée, afin de réduire un engorgement mammaire. Cependant, si la mère est d’origine asiatique, il est possible que cette proposition aille à l’encontre des pratiques de sa culture qui excluent le froid dans le post-partum. A ce propos, cette seule notion du « chaud/froid » (associée au yin/yang), peut amener les mamans asiatiques à ne quasiment rien manger en maternité des repas qui leur sont servis ! A défaut de froid, des massages spécifiques des seins peuvent être utilisés ; et un effort culinaire pourra être fait si ce n’est d’accepter des en-cas apportés par la famille.
Si votre culture implique qu’on ne doive pas regarder ou toucher votre bébé n’importe comment, dites-le également ! Cela vous évitera beaucoup de stress. Et qu’en est-il de toucher vos seins ? Au-delà de la notion de culture ethnique, on a tendance à beaucoup trop manipuler les seins des mères. Vous avez le droit de dire non.
A propos du lait maintenant ; certaines cultures exigent qu’on jette le colostrum. La mère ne donne donc pas le sein les premières heures. Si on ne la voit pas allaiter, il est probable qu’on lui donne des biberons de lait artificiel. Et cette maman qui n’attendait que sa montée de lait pour mettre l’enfant au sein s’imagine alors que « c’est la pratique ici ». Son enfant a l’estomac bien rempli de lait artificiel. Il ne tètera pas, ne videra pas le sein, et l’allaitement risque d’être compromis. A noter que ces mamans vident leur sein assez fréquemment durant cette phase colostrale, et que plus souvent elles vont vider leurs seins, plus le « lait » viendra rapidement. Le colostrum, rappelons-le, est un véritable trésor nutritionnel ; mais cette connaissance ne doit pas entrer en compétition avec une croyance culturelle si la maman n’y est pas décidée.
Ceci nous amène à la notion qu’une femme qui ne maîtrise peut-être pas bien la langue française va se trouver confrontée à des professionnels en blouses blanches qui, selon elle, détiennent la connaissance et le pouvoir. Il se peut qu’elle ne comprenne pas tout ce qu’on lui dit et qu’elle réponde parfois « oui » parce qu’elle s’imagine que c’est la réponse attendue. Certaines incompréhensions peuvent nuire à la qualité de la relation.
Tout ceci démontre l’importance du dialogue, de la communication ; toutes ces occasions où la mère va exprimer ce qui peut la troubler. D’ailleurs, c’est la mère qui choisit au final ce qu’elle va retenir et appliquer à partir des informations qu’elle a reçues.
[Auteure] : Françoise Coudray
[Biographie] : Françoise Coudray est consultante en lactation IBCLC, formatrice et conférencière. Elle est également la présidente fondatrice de l’A.D.J.+ ( Association de Jumeaux et plus )