Archives de catégorie : Histoires de mamans

QUAND TOUT NE SE PASSE PAS COMME ON LE PENSAIT

Voici le témoignage de Laurette, maman de deux garçons.

Je n’ai jamais fait partie de ces filles qui, très tôt, envisagent la maternité comme une évidence, qui savent avec évidence qu’elles veulent des enfants. Pourtant lorsque j’ai rencontré mon ami, ça a été une évidence ; pour lui comme pour moi.

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Notre allaitement, si doux et si puissant

Voici le témoignage de Leslie Lucien, sur son allaitement:

Allaiter,

Te nourrir,

Te donner le sein,

Ces mots continuent de résonner en moi plusieurs années après t’avoir sevrée.

J’avais imaginé beaucoup de choses en choisissant de t’allaiter mais pas que je garderai si longtemps le bonheur de la sensation de ta bouche sur mon sein.

Comme un prolongement de ce lien si fort qui nous unissait quand tu étais encore dans mon ventre.

Je me souviens de ta naissance, tes premiers instants de vie, tes yeux encore clos puis qui s’ouvrent, immenses, un premier regard intense, profond, tes yeux qui découvrent le monde pour la première fois, et la première fois que tu les ouvres c’est pour les poser sur moi. Je suis ton monde, tu deviens le mien.

Et puis rapidement, il y a ta bouche sur mon sein.

La première fois, ta langue sur mon mamelon, cette petite langue qui lape mon sein semblant ne pas trop savoir quoi en faire.

Puis quelques minutes plus tard, ce premier instant où je ressens la force de ta succion. 

Tu tètes.

Je sens mon sein que tu aspires.

Tu sais faire mon bébé.

Je sens les gouttes de mon colostrum qui commencent à couler dans ta bouche.

On s’apprivoise.

Au fil des jours, tu continues de téter et le lait commence à venir, je le vois, je l’entends, je fais taire les petites voix dans ma tête qui me disent « je ne peux rien quantifier » « est ce que j’aurais assez de lait pour toi mon bébé ? »

Je me rappelle cette montée de lait si intense, mon opulente poitrine, la tension dans mes deux seins. Ce besoin irrépressible que tu tètes pour me soulager comme une évidence encore une fois.

À chaque tétée, je sens tes lèvres sur ma peau, mais aussi ton regard sur moi, tout ton petit corps chaud, parfois lourd quand il s’abandonne après une tétée, repue par tant de lait, par tant d’amour. 

Les jours passent, je t’observe, tes joues et tes pyjamas se remplissent, j’apprends à me faire confiance, à te faire confiance, à nous faire confiance. 

Ne pas écouter les mots de ceux qui me disent « elle tète trop souvent ta fille » juste écouter mon corps et le tien, notre besoin chacune d’être l’une contre l’autre, je te porte mais tu me portes aussi dans la découverte de ma maternité, cette nouvelle femme que je suis en train de devenir.

Dans notre allaitement, il y aura de nombreux challenges, l’engorgement, mon sein qui devient dur comme de la pierre, rougi par ce lait que ne sort pas comme il faudrait; La fatigue, les moments de découragements; La candidose, ces élancements permanents que rien ne semblent soulager. Tes jours de fièvre, où je sens ta bouche brûlante autour de mon sein frais, et pour moi la sensation de t’offrir le meilleur dans ces moments où tu sembles si faible mon bébé. 

Sur mon chemin il y aura ma consultante en lactation et le soutien de femmes magnifiques dans une association de soutien à l’allaitement.

Car oui cet allaitement c’est aussi de belles rencontres de femmes, de sororité, des femmes qui m’ont transmis que je pouvais écouter mon bébé, me mettre à sa hauteur.

Mes inquiétudes de mère, ma peur de mal faire s’envolent au fil des mois.

Les mois ont passé, nous avons traversé des moments si doux que notre allaitement s’est installé dans le temps. Et puis progressivement, un peu avant ta première rentrée à l’école maternelle, j’ai senti que tu avais grandi, que j’avais envie de retrouver mon corps rien qu’à moi, ne plus t’offrir mon lait car tu grandissais et je sentais que nous passions à autre chose.

Ton sevrage s’est fait en douceur et je ne me souviens plus vraiment d’une toute dernière tétée.

Aujourd’hui, je me souviens de notre lien lacté, de ce fil tissé, un fil si fort et solide qu’il restera, j’en suis certaine, pour toute la vie. 

[Auteure] : Leslie Lucien

[Biographie] : Transformée par l’expérience de la maternité, ainsi que par la découverte de l’allaitement et du soutien de mère à mère au sein d’une association de soutien à l’allaitement, elle décide de se former en tant qu’auxiliaire de puériculture. À l’issue de sa formation, elle choisit de travailler dans un centre de protection maternel et infantile (PMI) parisien pour y soutenir les jeunes parents.

En parallèle, elle accompagne aujourd’hui à Paris des futurs parents en tant que doula, accompagnante à la naissance, formée auprès de l’institut des Doulas de France.  

Réussir son allaitement après une césarienne, c’est possible !

Voici le témoignage de Hope N., maman d’une petite fille.

Quand je suis tombée enceinte, j’étais sûre que je voulais accoucher à la maison de façon naturelle et que je voulais allaiter mon enfant. Je suis l’ainée de quatre enfants et j’ai pu être présente à l’accouchement à domicile de ma plus jeune sœur quand j’avais huit ans – une expérience qui m’a beaucoup marquée. J’avais tout préparé dans ce sens mais comme dit le dicton juif « l’Homme planifie, Dieu rit ». Suite à une pré-éclampsie*, j’ai accouché par césarienne en urgence à 38 semaines et même si je savais que j’avais tout fait pour préserver la santé de mon bébé et de moi-même, je me sentais profondément en échec. Pendant toute la grossesse, on m’avait dit « Fait confiance à ton corps. Ton corps saura quoi faire. » Mais mon corps n’avait pas assuré. Sans la médecine moderne, je n’aurais probablement pas survécu à l’accouchement !

Du coup, je ne faisais plus confiance à mon corps pour faire du lait pour mon enfant non plus. J’étais convaincue de ne pas être capable et le discours d’autres personnes ne m’a pas beaucoup aidé. Plusieurs infirmières à l’hôpital m’ont dit qu’à cause de la césarienne, le lait ne viendrait pas tout de suite, qu’il faudrait certainement compléter avec de la formule**. De l’autre côté, je lisais que plus je complétais avec la formule, moins je produirais. Puis on me disait que le stress réduisait la production aussi et j’étais dans une des situations le plus stressantes de toute ma vie ! Le pédiatre de l’hôpital m’a fortement déconseillé l’allaitement « le sein est traitre, madame, on ne peut pas mesurer combien boit l’enfant ! » Et pour couronner le tout, l’allaitement me faisait mal. J’avais des crevasses et c’était « pas normal ». C’était sûr. Je n’allais pas y arriver.

L’obstétricien qui a fait la césarienne est venu vérifier la cicatrice et m’a trouvé en larmes. Quand je lui ai dit que j’avais peur de ne pas pouvoir allaiter car le lait ne viendrait pas, il m’a gentiment pris la main et il m’a dit « ne le prenez pas mal, mais vous n’êtes pas si exceptionnelle ! Le lait viendra, comme pour tout le monde. » Ma sage-femme m’a rassuré aussi. Elle a donné des instructions aux infirmières pour qu’elles n’insistent pas pour donner des biberons et nous avons mis en place un plan car ma petite perdait du poids et il fallait la nourrir.

J’ai fait beaucoup de peau à peau. Je ne pouvais pas encore me déplacer à cause de l’opération, mais je pouvais avoir mon bébé dans mes bras et je la gardais le plus possible contre moi. La sage-femme m’a montré comment exprimer mon lait avec mes mains et m’a aidé à louer un tire-lait aussi. Après chaque tétée, je tirais ce qui restait et je le donnais à ma fille avec une pipette, puis si elle mangeait tout je lui proposais un peu de lait industriel (toujours à la pipette) pour rassurer les infirmières sur son poids. Après une journée comme ça, ma fille a bien pris du poids et a refusé la formule car elle était bien rassasiée.

Deux semaines après, j’ai vu une consultante en lactation qui m’a beaucoup aidé à avoir confiance et m’a conseillé de voir une ostéopathe car ma fille avait la mâchoire serrée quand elle tétait. Effectivement, cela a soulagé la douleur. En vrai, je n’avais pas du tout de problème de production de lait mais j’ai mis du temps à y croire ! Je n’avais pas particulièrement prévu d’allaiter longtemps mais c’était de plus en plus agréable ; et puis j’étais moins angoissée et cela ne faisait plus mal. J’ai trouvé le réseau de La Leche League et j’allais à des réunions avec d’autres mamans qui allaitaient et qui donnaient toujours de bons conseils, du soutien et de l’empathie. Mon bébé était toute ronde et heureuse – et je me sentais bien aussi ! Nous avons pas mal voyagé quand ma fille était bébé, allant même jusqu’en Australie quand elle avait 6 mois, et avec l’allaitement, c’était tellement simple. Je me souviendrai toujours du regard horrifié de l’agent de sécurité à l’aéroport quand il m’a dit « Allez-y sortez tous les biberons, les compotes, etc. » et je lui ai dit, « Non, j’ai rien », « Rien ?? » « Enfin j’ai tout ce qu’il faut ici », en désignant mes seins. Le pauvre a eu du mal à s’en remettre.

Notre aventure d’allaitement s’est terminée quand ma fille a eu 2,5 ans. 8 mois plus tard, je produis toujours quelques gouttes de lait. Pas trop mal pour un corps qui ne savait pas comment faire !

* La pré-éclampsie est une maladie caractérisée par l’association d’une hypertension artérielle accompagnée d’une apparition exagérée de protéines dans les urines et d’oedèmes.

** NDLR : ce qu’Hope nomme « formule » correspond à ce que l’on entend par les substituts du lait maternel, « formula » en anglais, autrement dit les laits de préparation pour nourrissons.

La maladie est un passage

Voici le témoignage d’Hortense, maman de Charlotte et Edouard, et de Juliette.

Une petite boule qui roule sous le sein, et le verdit qui tombe ; c’est un cancer. Et comme par hasard toutes les copines, elles, font un bébé au même moment. Alors on pleure beaucoup et on se soigne. Sérieusement.

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Rester déterminée

Voici le témoignage de Julie, 41 ans, maman de Ruben 3 ans et Zelig 7 mois.

Quand j’ai dit à ma mère que je pensais allaiter mon bébé, elle a émis quelques réserves : « tu es comme moi, tu sais. Tu as les bouts de seins trop courts. », a-t-elle rétorqué alors. Ni ma sœur ni moi n’avions été allaitées pour ces mêmes raisons. De plus, je suis née à une époque où on n’encourageait pas vraiment les femmes à l’allaitement maternel, elles qui venaient de brûler leurs soutien-gorge et prônaient la liberté sexuelle. Mais j’étais motivée et je me suis inscrite à une séance de formation avec une sage-femme qui donnait des conseils pratiques, montrait les positions. C’est avec elle aussi que nous avons fait de l’haptonomie.

Je voulais essayer d’allaiter car je trouvais ça simple, naturel, et naturellement bon pour mon bébé, mais aussi très pratique pour moi dans tous les déplacements (pas d’eau à transporter, de biberon à chauffer, de timing à calculer) et puis j’avais envie de ces moments de câlins avec mon bébé.

À la naissance de Ruben, on m’a demandé si je voulais allaiter et à la première mise au sein j’ai pu compter sur l’aide d’une puéricultrice très douce et pédagogue qui m’a aidée à bien placer mon bébé. Je me suis sentie bien accompagnée par le personnel de la maternité .

De retour à la maison, ça a été une autre histoire. Ruben se montrait très impatient. Il l’est toujours d’ailleurs en ce qui concerne la nourriture ! Si je ne trouvais pas tout de suite la bonne position, il s’énervait et finissait par s’endormir. Puis il se réveillait, réclamait et c’était reparti ! Ça a pris un peu de temps pour qu’on s’accorde lui et moi. J’ai même essayé les bouts de seins en silicone (influencée par la réflexion de ma mère), mais c’était pire.

Au 2ème ou 3ème jour, j’ai reçu la visite d’une sage-femme qui m’a bien aidée à faire retomber le stress. Mon conjoint a également été un allié sur qui je pouvais compter car il avait pu observer la position qui convenait à Ruben et il m’aidait à bien le placer. Une fois ce petit calage passé, ça a roulé ! Au bout de deux mois, je suis passée à un allaitement mixte pour préparer en douceur ma reprise du travail.

Au 5ème mois, j’ai été prise de vertiges très violents. Après de nombreuses analyses, on m’a diagnostiqué un virus dans l’oreille interne et j’ai dû prendre des antibiotiques très forts, incompatibles avec l’allaitement. J’ai donc arrêté subitement d’allaiter Ruben et j’ai été un peu triste de ce sevrage non choisi. Mais comme Ruben l’a bien vécu, j’ai pu me concentrer sur le traitement de ces affreux vertiges.

Mon deuxième fils, Zelig, est né avec un mois d’avance. C’était tout de même un beau bébé de 3,130 kg. Forte de ma première expérience, je suis retournée dans la même maternité … et heureusement. Soucieuse d’offrir la même chose à chacun de mes enfants, je comptais bien sûr allaiter Zelig.

À la première mise au sein, on m’a proposé de l’assistance. Je pensais m’en sortir facilement puisque c’était mon deuxième enfant. Pourtant un autre bébé voulait dire une autre histoire.

À peine s’était-il accroché au sein que Zelig a eu beaucoup de mal à téter. Il était comme essoufflé, il respirait difficilement. La puéricultrice qui était restée dans la salle d’accouchement a immédiatement compris que Zelig peinait à respirer normalement et elle l’a emmené en salle de soins pour aspirer les sécrétions qui entravaient sa trachée.

Et les minutes passaient…
Quand j’ai vu revenir mon conjoint avec le pédiatre mais sans mon bébé, j’ai compris que quelque chose n’allait pas. Zelig avait été emmené en salle de soins intensifs et placé sous assistance respiratoire (avec un masque sur le nez et la bouche pour l’aider à respirer). Il avait un pneumo thorax, c’est-à-dire une poche d’air dans le poumon qui l’empêche de se gonfler entièrement et qui nécessite une ponction. J’étais abasourdie mais mon conjoint était là heureusement pour me rassurer et me donner des nouvelles de Zelig qui était sous perfusion et sonde gastique.

Notre première tétée avait donc été très brève. Le personnel soignant a déconseillé les mises au sein, les jugeant trop fatigantes pour lui et impossibles avec l’harnachement du monitoring. La sage-femme m’a donc proposé un tire-lait pour stimuler ma lactation. Elle m’a constamment encouragée à continuer même si je ne collectais qu’une goutte de colostrum.

Quelques heures plus tard, j’ai pu aller voir Zelig en unité de soins intensifs et faire une séance de peau à peau avec lui (malgré les branchements et le masque). J’étais heureuse de ce moment partagé et je pense que ça a stimulé ma lactation.

Une fois la ponction de la bulle d’air faite, Zelig respirait mieux mais il a dû rester en réanimation. J’allais le voir et j’utilisais le tire-lait mis à ma disposition dans la salle. Tout était pensé pour favoriser l’allaitement maternel.

Quand ma montée de lait est arrivée, mon lait a été testé pour vérifier qu’il n’y avait aucun germe et Zelig a pu en recevoir quelques gouttes sur une gaze posée sur ses lèvres, puis via la sonde gastrique. On lui a retiré la sonde le 6ème jour grâce à la puéricultrice qui a réussi à convaincre le pédiatre et j’ai pu enfin allaiter Zelig naturellement, comme je l’avais fait pour son grand frère. Ce fut ma plus belle victoire !

Pendant ces 6 jours de stress, d’inquiétude, d’attente, je suis toujours restée motivée. Je mettais toute mon énergie à tirer mon lait assidûment. Je me disais que je devais y arriver pour lui. Avec du recul, je me dis que c’était peut-être aussi ma façon de me masquer la gravité de la situation. Lui donner mon lait, c’était la seule aide que je pouvais lui apporter. De retour à la maison, tout s’est bien passé. J’ai pu allaiter Zelig 6 mois.

Cette expérience m’a appris que quand je veux vraiment quelque chose, je suis capable d’aller au bout, je suis déterminée. Je ne retiens pas les difficultés ni la souffrance, je sais que je devais juste le faire.

Reprise du travail et émotions

C’est l’heure de la rentrée pour les enfants mais de nombreuses mamans reprennent le travail également. Leslie Lucien nous partage le vécu d’une maman qu ‘ elle a accompagné

La reprise du travail après la naissance d’un enfant peut être une évidence pour certaines femmes, mais parfois elle ne l’est pas. Pas toujours simple en effet pour une femme, nouvellement maman, de laisser son bébé en garde, de trouver un nouveau rythme quand elle a passé plusieurs semaines ou plusieurs mois dans le cocon douillet de sa relation avec son bébé.

Ce témoignage est le récit d’une expérience vécue à la PMI où je travaille en tant qu’auxiliaire de puériculture. Je comprends encore une fois à travers la mission qui m’est confiée combien être accompagnée est nécessaire et à quel point l’expression de nos émotions et l’écoute sont précieuses pour avancer sur le chemin de parents.

Sophie* est entrée dans la PMI, elle avait les yeux humides, elle était seule, sans son bébé. Elle m’a regardée et m’a demandé avec une petite voix douce : « Est-ce que je peux quand même participer à l’accueil parents-bébé** même si ma fille est à la crèche ? »

Bien sûr elle était la bienvenue. Bien sûr nous lui avons proposé de s’asseoir avec nous sur les grands tapis colorés où gigotaient déjà deux bébés sous la surveillance de leurs mamans. Nous nous sommes regardées toutes les deux, j’ai senti l’émotion et les larmes monter un peu plus dans ses yeux prêts à déborder, sa voix hésitante. Je lui ai proposé de prendre un peu de temps juste elle et moi, toutes les deux. Elle m’a donc suivie, tandis que ma collègue prenait le relais auprès des autres mamans.

Nous nous sommes installées dans notre salle d’allaitement, petite pièce lumineuse, deux grands fauteuils confortables, des belles affiches de bébés ou de bambins plus grands allaités, de l’eau à disposition et des lectures autour des premiers mois de vie de bébé….

Tandis que je lui tendais un mouchoir, Sophie s’est assise et s’est mise à sangloter plus franchement. Nous sommes restées quelques secondes dans le silence de ses larmes, elle débordée d’émotions, moi prête à accueillir ses mots. Et puis, elle a pris une grande respiration et tout est sorti en une phrase. Elle m’a expliqué le vide qu’elle ressentait en n’étant plus 24 heures sur 24 avec son bébé, la tristesse dans les yeux de son bébé au moment où elle le laisse à la crèche, les professionnels de la crèche pour qui tout semble « normal », les échanges pas toujours simples avec le papa, le doute à l’idée de reprendre le chemin du travail dans quelques semaines seulement, la crainte que son lait se tarisse, les questions logistiques sur la conservation du lait, quand le tirer, comment, avec quel tire-lait, manuel, électrique ou encore à la main ?

Elle a fini de déposer ses émotions, de poser ses questions, toutes ces choses qui prenaient tant de place dans son cœur de maman et dans son esprit de femme. Les larmes ont continué de couler sur ses joues, je l’ai invitée à accueillir sa peine, à la vivre plutôt que la refouler, à ne pas faire comme si elle n’existait pas. Elle m’a dit à ce moment-là qu’elle s’autorisait rarement à pleurer, qu’elle se sentait coupable car elle avait peur que sa fille ne ressente sa peine ; comme si ne pas en parler pouvait faire disparaître sa tristesse, comme si l’enfouir pouvait tout arranger. « On dit souvent que les bébés sont des éponges alors est ce que mon bébé éponge mon inquiétude ? » s’est-elle autorisée enfin à me dire au bout d’un moment. Un condensé d’amour et de culpabilité maternels. 

Bien sûr, je l’ai invitée à parler à son bébé, à dire, à pleurer, à ne pas masquer. J’ai écouté, j’ai accueilli toutes ses émotions et puis je l’ai informée aussi au sujet de l’allaitement, des rythmes du bébé, de cette adaptation en crèche qui nécessite bien plus de temps que les quelques jours que l’on se donne la plupart du temps. J’ai ouvert la porte aussi à l’éventualité de repousser la reprise, de parler aussi à l’équipe de la crèche, à son compagnon… Et puis j’ai surtout laissé les points de suspension. Jamais je ne donne de réponse toute faite, je donne des pistes de réflexion, car j’ai davantage envie de laisser l’espace pour que les femmes, les couples, trouvent eux-mêmes leurs propres réponses.

Les jours ont passé, la maman est revenue vers moi pour me dire que l’adaptation se faisait très progressivement à la crèche. Elle a trouvé des solutions par elle-même. Elle a pu parler à l’équipe de professionnels de la crèche qui a été très à l’écoute, ce qui l’a beaucoup rassurée. Elle a aussi parlé au papa qui a été un soutien primordial pour elle. Et surtout elle m’a dit avec douceur : « j’ai décidé de prendre les choses comme elles viennent et d’arrêter de vouloir tout anticiper » … peut être sa clé à elle vers une reprise du travail en confiance ?

Dans certains centres de Protection Maternelle et Infantile, l’équipe est composée d’une infirmière puéricultrice, d’auxiliaires de puériculture, d’une psychologue et de médecins. Nous pouvons accueillir les familles en post-natal notamment pour du soutien, de l’accompagnement autour de l’allaitement, du maternage. Nous offrons des moments d’écoute après la naissance du bébé et pour leurs premières semaines / premiers mois de vie ensemble.

* pour le besoin du récit, le prénom a été modifié
** Accueil parents-bébé : Espace d’écoute, de soutien et de partage destiné aux  parents et à leurs enfants de la naissance à la marche, animé par une professionnel de la structure.

[Biographie] : auxiliaire de puériculture. Elle travaille dans un centre de protection maternel et infantile (PMI) parisien pour y soutenir les jeunes parents. En parallèle, elle accompagne des futurs parents en tant que doula, accompagnante à la naissance, formée auprès de l’institut des Doulas de France.

Qu’est-ce que l’expérience d’ allaitement m’a apporté ?

Témoignage de Claire, maman de Pia et de Lou.

Quand je pense à l’allaitement de mes deux filles, tout mon corps se détend, j’ai des images plein la tête évoquant de la tendresse. En surface, je ne garde que les bons moments, et pourtant lorsque je creuse un peu, l’allaitement n’a pas toujours été un long fleuve tranquille.

L’allaitement me nourrit, me suffit

A la naissance de ma première fille, j’avais une envie irrépressible d’être auprès d’elle, de la sentir contre ma peau, de lui donner tout mon amour. En l’allaitant je me sentais vivante, pleine et généreuse, j’étais tout pour mon bébé et il était tout pour moi. Le sein était notre lien, le monde pouvait s’effondrer : j’étais comblée et ma fille aussi.

Avec ma deuxième fille, j’ai vécu ce même effet lune de miel : j’ai ressenti à nouveau la puissance du lien exclusif entre elle et moi. J’ai parfois éprouvé la culpabilité de repousser ma fille aînée, tellement le désir de fusion avec mon nouveau-né s’imposait. J’avais aussi l’impression d’évincer mon mari, je me sentais mante religieuse, cet insecte qui dévore le mâle après avoir été fécondée.

A chaque fois, il n’y avait que ma fille et moi, autour du sein.

En plus de cette relation de proximité physique, l’allaitement est venu réparer la relation torturée que j’ai avec moi-même. J’ai éprouvé dans le contact peau à peau des trésors de tendresse que je ne soupçonnais pas, j’ai réussi à découvrir en moi des qualités de mère nourricière que j’étais angoissée de ne jamais trouver. Grâce à ce lien de corps à corps, de cœur à cœur, j’ai contacté en moi la générosité, le don de soi, l’amour inconditionnel, la délicatesse, la douceur.

J’ai aussi découvert avec émerveillement que mon lait était une véritable potion magique. Un super-pouvoir que j’avais surnommé mon « milk power ». C’était le pansement le plus efficace, que j’appliquais partout. Les bosses, les brûlures, les égratignures, le nettoyage du nez, un panaris, un câlin, une grosse émotion, un pleur nocturne : mon lait était la réponse à tout.

Avec l’allaitement, je me sentais compétente, puissante, invincible même. C’était si gratifiant.

L’allaitement me gave, je le vomis

Et puis je me suis épuisée d’allaiter. Mon sein était devenu une sorte de recours automatique et sans âme, j’étais prisonnière d’un réflexe que j’avais moi-même instauré. Lorsque plusieurs mois durant j’ai rendormi ma fille au sein à chacun de ses réveils nocturnes (entre 5 et 10 !), j’en suis venue à détester cet allaitement qui m’enfermait.

J’entends encore le tonitruant et systématique « mets du lait ! » à chaque bobo de ma fille autour de ses deux ans, et je ressens vivement la vague d’exaspération qui me traversait alors. Le milk power devenait l’horreur, je nous engluais dans une addiction inquiétante : je ne pouvais plus me passer de l’allaitement, ma fille non plus, mais nous n’y trouvions plus vraiment de joie. C’était devenu une contrainte.

J’avais le fantasme de tout abandonner tellement cette relation m’étouffait et m’emprisonnait. Partager mon corps avec mon enfant devenait cauchemardesque, j’avais besoin de retrouver mes propres limites, mon corps de femme, mon espace physique et psychique.

Nous réinventons la recette

J’ai ressenti l’urgence de faire évoluer l’allaitement pour qu’il reste une relation satisfaisante pour nous deux, alors nous avons ensemble co-créé notre allaitement.

J’ai trouvé l’assertivité nécessaire pour sevrer ma fille de nuit, autour de ses 2 ans. J’ai accompagné sa frustration en lui répétant à chaque réveil nocturne cette phrase point de repère : « Lorsque les rideaux sont fermés, on dort. Quand la lumière est allumée, on peut téter ». J’étais à la fois déterminée et tranquille, et j’avais rarement expérimenté cette douce force intérieure auparavant.

C’est aussi grâce à l’allaitement que j’ai appris à me connecter à mes propres besoins, à dire oui ou non de façon claire et bienveillante, en étant à la fois en empathie pour ce qui se jouait à l’intérieur de moi, et ce qui se passait pour mon enfant. Au fil du temps, nous sommes passées de l’allaitement à la demande à l’allaitement négocié : j’avais besoin d’intimité, et nous nous sommes mis d’accord pour que les tétées se passent uniquement à la maison. Ma fille avait besoin de douceur autour des moments de sommeil et nous avons gardé les tétées du matin, du soir et de la sieste. Nous avions en famille besoin de connexion, et nous avons inventé un allaitement à trois : notre fille tétait allongée dans notre lit, et se détachait du sein pour jouer avec son papa, avant de se rattacher au sein et de téter à nouveau goulument.

L’allaitement était devenu notre projet commun.

Au final, de la fusion à la co-création en passant par la réparation et la frustration, l’allaitement m’a invitée à traverser toutes les étapes d’une relation amoureuse, un peu particulière.

Quand maman chante

Avant même d’accoucher de mon petit garçon, je savais que je voulais l’allaiter au moins 3 mois.

Mon métier de chanteuse lyrique, intermittente du spectacle, m’a obligé à reprendre très vite… 6 semaines après la naissance. J’ai donc dû commencer à tirer mon lait au bout de 3 semaines, pour faire des réserves, mais aussi pour faire des essais : acceptera-t-il de se nourrir autrement qu’au sein ? Quelle dose va le rassasier ? Reviendra-t-il au sein facilement ?

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Vivre un sevrage imposé

Quand mon fils Adam est venu au monde en 2014, la question de l’allaitement ne s’est pas posée. J’avais allaité son grand frère Tom pendant 9 mois, je ferais de même pour Adam (une trace de mon éducation sans doute, car mes parents s’efforçaient toujours d’assurer une équité parfaite entre mon frère et moi). Je n’avais pas d’appréhensions, pas non plus de projections particulières ; juste l’envie de revivre ce moment de partage que j’avais tant aimé. Mais chaque histoire est unique, puisque chaque bébé l’est aussi.

Notre histoire a donc commencé le 16 janvier 2014. À sa naissance, Adam a pleuré, beaucoup pleuré. J’ai alors pris Adam dans mes bras et après quelques loupés, Adam a trouvé mon sein et réussi à téter. Et là, l’évidence pour nous deux, la reconnexion… après 9 mois « branchés » ensemble, Adam se reliait à moi. Lors des 4 ou 5 jours passés à la clinique, nous étions en totale fusion.

Je me sentais complètement détendue, sereine, confiante (alors que je me rappelle que pour mon aîné, j’avais suivi les conseils de ma sage-femme et j’avais un carnet où je notais scrupuleusement chaque horaire de tétées, sa durée, le comportement du bébé, les selles qui suivaient (couleur, odeur, texture… bon appétit !).

Avec Adam j’étais dans un lâcher-prise absolu, du « free-style ». Il dormait sur moi la moitié du temps et je le mettais beaucoup au sein, sans compter, sans juger, sans aucune pression, si ce n’est celle des autres. Je me rappelle notamment d’une sage femme qui, à chaque fois qu’elle entrait dans ma chambre, me sermonnait : « Quoi, il est encore dans vos bras ? Mais il a un lit », « Vous devez le faire dormir dans son lit ou il ne va jamais se décoller de vous » Blablabla ! Mais j’avais retenu la leçon de mon 1er allaitement et bien sûr, je n’écoutais pas ces remarques (peu bienveillantes d’ailleurs !). Ce qui comptait c’était que Adam était bien comme ça, et moi aussi. En rentrant à la maison, nous avons d’ailleurs continué notre « mode Glue » (terme inventé par mon mari qui s’amusait de nous voir ainsi).

Comme pour Tom, j’ai pris un congé parental afin de profiter au maximum de Adam, nous faisions de grandes balades dans Paris, je le nourrissais dans un café, un parc, un musée (j’avais un porte-bébé physiologique très pratique avec un petit rabat qui nous assurait un peu d’intimité), c’était simple et fluide et j’ai eu la chance de ne rencontrer aucune difficulté.

Jusqu’à l’été du moins. Nous sommes partis chez mes parents sur la Côte d’Azur et dans le coin, le moustique tigre fait des ravages. Et malheureusement, Tom, particulièrement sensible aux piqûres d’insectes, s’est fait littéralement dévorer, et a eu une infection à staphylocoque.

Le lendemain, je me suis levée et j’avais une sensation bizarre : mon sein gauche était très gonflé, rouge et chaud. Sentant que ça n’était pas normal, je suis retournée chez le médecin qui avait vu Tom la veille, et il m’a dit que j’avais dû attraper l’infection* (en nettoyant les piqûres de Tom a priori). Résultat : « Il faut absolument arrêter d’allaiter votre bébé ou bien lui aussi va attraper l’infection ». Et là, moi qui avait eu ce sentiment de contrôle, de maîtrise absolue de cet allaitement, sans aucune embûche ou imprévu, on me retirait le droit de sevrer correctement mon bébé ?

Non ! Adam avait alors 7 mois et j’avais prévu de l’allaiter encore 2 mois. Voyant que je n’étais pas disposée à en rester là, le médecin m’a alors dit « Ok, éventuellement, il peut y avoir une solution. Vous allez à la pharmacie voir s’ils ont un tire-lait. Vous continuez à allaiter votre fils du sein droit, vous tirez votre lait à gauche et vous jetez ce lait ». J’étais dépitée, mais au moins, j’avais cet espoir, cette méthode alternative.

De retour avec mon tire-lait sous le bras, j’ai donc suivi les conseils du médecin. Malheureusement, ça n’a pas marché. Je n’arrivais pas à tirer correctement mon lait et c’était affreusement douloureux (à cause de l’infection je pense). Je suis retournée, en larmes, voir la pharmacienne, une femme adorable qui a su être à l’écoute, bienveillante et rassurante. Grâce à l’homéopathie j’ai pu rapidement arrêter mes montées de lait.

Néanmoins je garde un goût très amer de ce sevrage prématuré et violent que j’ai imposé à Adam (et qui s’est imposé à moi !). Heureusement, Adam l’a bien accepté, lui. Son papa s’est chargé de le nourrir au biberon les 2 ou 3 premiers jours, pour qu’il ne cherche pas mon sein, et qu’il vive le mieux possible cette nouvelle étape. Comme quoi, même quand on croit tout maîtriser, on n’est jamais sûre de rien.

* mon avis de consultante en lactation ( Valérie F. ) a posteriori : ces symptômes peuvent être évocateurs d’autres diagnostics .

[Auteure] : Mme Aurélia Brand Deligne

[Biographie] : Aurelia, 42 ans, sophrologue et maman de 2 garçons

Un allaitement qui représentait tant pour moi

Voici le témoignage d’Aurélia sur son premier allaitement, elle nous parlera prochainement de son deuxième enfant également.

Avant de vous parler de mon premier allaitement, il me faut remonter quelques années en arrière … Car ce bébé, mon petit Tom à qui j’ai donné la première tétée cette nuit de 2012, je l’ai attendu près de cinq ans. Cinq années pendant lesquelles mon mari et moi sommes passés par de vraies montagnes russes émotionnelles, des périodes de motivation, de déception, de découragement, mais toujours avec cette envie inépuisable de fonder une famille.

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Et dire que je ne voulais pas allaiter !

Durant leur grossesse, on demande souvent aux mères « Alors, est-ce que tu vas l’allaiter ? » en parlant de leur futur bébé, comme si ce choix d’allaitement ou de non allaitement était forcément une évidence. J’ai eu envie de recueillir le témoignage d’une femme qui n’imaginait pas allaiter son bébé, et qui répondait souvent « jamais de la vie » quand on lui parlait d’allaitement.

Propos recueillis par Leslie Lucien.

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Le soutien de mère à mère

À la naissance de ma deuxième fille, mon aînée avait à peine deux ans. Je l’avais allaitée un peu plus de 6 mois avec beaucoup de facilité, tout m’avait semblé fluide, elle avait su téter tout de suite, pas de douleurs, très bonne prise de poids, un rythme assez rapidement trouvé avec un allaitement « toutes les trois heures environ ». C’était pour moi un allaitement idyllique!

Pour ma deuxième, tout était différent. J’étais désormais mère de deux enfants, je devais à la fois accompagner mon nouveau-né et prendre soin de ma fille aînée.

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Allaiter quand on prend un traitement de substitution aux opiacés

La maternité d’une femme toxicomane génère souvent des peurs chez les professionnels qui l’accompagnent. Les mères sous traitement substitutif pour une toxicomanie aux opiacés et qui n’utilisent pas de substances illicites devraient être fortement encouragées à allaiter. Les traitements de substitution sont sans danger pour la santé de son bébé et les bénéfices de l’allaitement ne sont plus à démontrer. Cependant on observe que peu de ces mères allaitent réellement. On pense que beaucoup d’entre elles craignent pour la santé de leur bébé.

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La fin d’un allaitement long

Mon allaitement a duré très exactement 3 ans. C’est moi qui ai décidé de l’arrêter et j’ai accompagné mon petit vers le sevrage. Mais cela ne m’empêche pas d’être triste, de ressentir un manque et de la nostalgie pour cette période si particulière et en même temps si naturelle.

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Quand les mises au sein musclées laissent des traces

Lorsque je reçois une maman en consultation, je l’invite à me raconter son ressenti depuis la naissance de son enfant, et j’aime également qu’elle me parle d’elle, de sa grossesse tout en partageant avec moi la manière dont elle a vécu le démarrage de son allaitement.

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