C’est l’heure de la rentrée pour les enfants mais de nombreuses mamans reprennent le travail également. Leslie Lucien nous partage le vécu d’une maman qu ‘ elle a accompagné
La
reprise du travail après la naissance d’un enfant peut être une
évidence pour certaines femmes, mais parfois elle ne l’est
pas. Pas toujours simple en effet pour une femme, nouvellement
maman, de laisser son bébé en garde, de trouver un nouveau rythme
quand elle a passé plusieurs semaines ou plusieurs mois dans le
cocon douillet de sa relation avec son bébé.
Ce
témoignage est le récit d’une expérience vécue à la PMI où je
travaille en tant qu’auxiliaire de puériculture. Je comprends
encore une fois à travers la mission qui m’est confiée combien
être accompagnée est nécessaire et à quel point l’expression de
nos émotions et l’écoute sont précieuses pour avancer sur le
chemin de parents.
Sophie*
est entrée dans la PMI, elle avait les yeux humides, elle était
seule, sans son bébé. Elle m’a regardée et m’a demandé avec
une petite voix douce : « Est-ce
que je peux quand même participer à l’accueil parents-bébé**
même si ma fille est à la crèche
? »
Bien
sûr elle était la bienvenue. Bien sûr nous lui avons proposé de
s’asseoir avec nous sur les grands tapis colorés où gigotaient
déjà deux bébés sous la surveillance de leurs mamans. Nous nous
sommes regardées toutes les deux, j’ai senti l’émotion et les
larmes monter un peu plus dans ses yeux prêts à déborder, sa voix
hésitante. Je lui ai proposé de prendre un peu de temps juste elle
et moi, toutes les deux. Elle m’a donc suivie, tandis que ma
collègue prenait le relais auprès des autres mamans.
Nous
nous sommes installées dans notre salle d’allaitement, petite
pièce lumineuse, deux grands fauteuils confortables, des belles
affiches de bébés ou de bambins plus grands allaités, de l’eau à
disposition et des lectures autour des premiers mois de vie de
bébé….
Tandis que je lui tendais un mouchoir, Sophie
s’est assise et s’est mise à sangloter plus franchement. Nous
sommes restées quelques secondes dans le silence de ses larmes, elle
débordée d’émotions, moi prête à accueillir ses mots. Et puis,
elle a pris une grande respiration et tout est sorti en une phrase.
Elle m’a expliqué le vide qu’elle ressentait en n’étant plus
24 heures sur 24 avec son bébé, la tristesse dans les yeux de son
bébé au moment où elle le laisse à la crèche, les professionnels
de la crèche pour qui tout semble « normal », les échanges pas
toujours simples avec le papa, le doute à l’idée de reprendre le
chemin du travail dans quelques semaines seulement, la crainte que
son lait se tarisse, les questions logistiques sur la conservation du
lait, quand le tirer, comment, avec quel tire-lait, manuel,
électrique ou encore à la main ?
Elle
a fini de déposer ses émotions, de poser ses questions, toutes ces
choses qui prenaient tant de place dans son cœur de maman et dans
son esprit de femme. Les larmes ont continué de couler sur ses
joues, je l’ai invitée à accueillir sa peine, à la vivre plutôt
que la refouler, à ne pas faire comme si elle n’existait pas. Elle
m’a dit à ce moment-là qu’elle s’autorisait rarement à
pleurer, qu’elle se sentait coupable car elle avait peur que sa
fille ne ressente sa peine ; comme si ne pas en parler pouvait
faire disparaître sa tristesse, comme si l’enfouir pouvait tout
arranger. « On dit souvent que
les bébés sont des éponges alors est ce que mon bébé éponge mon
inquiétude ? » s’est-elle
autorisée enfin à me dire au bout d’un moment. Un condensé
d’amour et de culpabilité maternels.
Bien
sûr, je l’ai invitée à parler à son bébé, à dire, à
pleurer, à ne pas masquer. J’ai écouté, j’ai accueilli toutes
ses émotions et puis je l’ai informée aussi au sujet de
l’allaitement, des rythmes du bébé, de cette adaptation en crèche
qui nécessite bien plus de temps que les quelques jours que l’on
se donne la plupart du temps. J’ai ouvert la porte aussi à
l’éventualité de repousser la reprise, de parler aussi à
l’équipe de la crèche, à son compagnon… Et puis j’ai surtout
laissé les points de suspension. Jamais je ne donne de réponse
toute faite, je donne des pistes de réflexion, car j’ai davantage
envie de laisser l’espace pour que les femmes, les couples,
trouvent eux-mêmes leurs propres réponses.
Les
jours ont passé, la maman est revenue vers moi pour me dire que
l’adaptation se faisait très progressivement à la crèche. Elle a
trouvé des solutions par elle-même. Elle a pu parler à l’équipe
de professionnels de la crèche qui a été très à l’écoute, ce
qui l’a beaucoup rassurée. Elle a aussi parlé au papa qui a été
un soutien primordial pour elle. Et surtout elle m’a dit avec
douceur : « j’ai décidé de
prendre les choses comme elles viennent et d’arrêter de vouloir
tout anticiper » … peut être sa
clé à elle vers une reprise du travail en confiance ?
Dans
certains centres de Protection Maternelle et Infantile, l’équipe est
composée d’une infirmière puéricultrice, d’auxiliaires de
puériculture, d’une psychologue et de médecins. Nous pouvons
accueillir les familles en post-natal notamment pour du soutien, de
l’accompagnement autour de l’allaitement, du maternage. Nous
offrons des moments d’écoute après la naissance du bébé
et pour leurs premières semaines / premiers mois de vie
ensemble.
* pour le besoin du récit, le prénom a été modifié
** Accueil parents-bébé : Espace d’écoute, de soutien et de partage destiné aux parents et à leurs enfants de la naissance à la marche, animé par une professionnel de la structure.
[Biographie] : auxiliaire de puériculture. Elle travaille dans un centre de protection maternel et infantile (PMI) parisien pour y soutenir les jeunes parents. En parallèle, elle accompagne des futurs parents en tant que doula, accompagnante à la naissance, formée auprès de l’institut des Doulas de France.