Pour inaugurer la série, voici le témoignage d’une jeune femme professeur de mathématiques en collège. Au cours des années passées à accompagner les mères, j’ai croisé de très nombreuses enseignantes qui n’envisageaient même pas de poursuivre l’allaitement à la reprise des cours. Elles jugeaient cela tout simplement impossible. Je souhaite que le texte ci-dessous puisse aider les nouvelles mamans enseignantes à réfléchir à la question avant de poser un “non” ferme et définitif.
“J’ai repris le travail à la rentrée de septembre, Nathan avait bientôt trois mois. les débuts de l’allaitement avaient été tellement difficles pour moi que, maintenant que cela marchait bien, je ne voulais vraiment pas arrêter. Je n’étais pas très soutenue par la famille dans mon projet, à part par mon mari, heureusement. Alors, j’ai cessé d’en parler autour de moi, parce que cela me fatiguait d’avoir toujours à me justifier. Et du coup, j’ai décidé de ne pas en parler à mes collègues, hormis les plus proches. Et cela a considérablement simplifié les choses pour moi. Peut être que si j’ai un deuxième enfant, je choisirai de tirer mon lait ouvertement, mais pour le premier, je ne m’en sentais pas la force!
J’ai choisi de poursuivre l’allaitement exclusif, et donc de tirer mon lait trois fois dans la journée. Mon bébé était gardé par une assistante maternelle qui n’a pas émis d’objection au fait de donner mon lait. C’était la première fois pour elle, et nous avons appris ensemble. J’ai eu de la chance, parce qu’elle y a mis beaucoup de bonne volonté. Je me souviens d’un jour où j’étais rentrée toute fatiguée. Elle m’a préparé un “petit goûter” pour me redonner de la vigueur, cela m’a beaucoup touchée qu’elle se préoccupe de me nourrir pour qu’à mon tour, je puisse nourrir mon enfant.
Concrètement, je tirais mon lait à chacune des récréations de 10 heures et de 15 heures. J’avais donc dix minutes montre en main pour tirer entre 150 et 180 mL. La seule façon d’y arriver, c’était que le matériel soit déjà en place. J’ai la chance d’être très amie avec une enseignante en Physique Chimie, et elle m’a arrangé une petite place dans son laboratoire, à l’écart des produits chimiques bien sûr! Un endroit petit mais propre où je mettais en place mon tire-lait électrique en arrivant le matin. Le laboratoire était parfois loin de la salle où je donnais le cours, alors cela m’arrivait de trottiner dans les couloirs, et cela a fait rire plus d’une fois les élèves, mais je n’ai pas eu de remarques particulières.
Dès que la récréation de 10 heures sonnait, je lâchais rapidement mes élèves (de ce côté-là, je n’ai jamais rencontré de difficulté!). Je m’organisais pour que tout soit bien terminé avant la sonnerie. Je me dépêchais d’aller au laboratoire et là, je plaçais sur mes seins les deux téterelles déjà en place, je mettais un casque sur mes oreilles avec de la musique, je me créais ma bulle et je tirais pendant neuf minutes chrono. De quoi stresser au début, mais en fait, le lait venait très rapidement, parce que j’étais conditionnée. Je savais que quand je marchais dans le couloir pour aller au labo, c’est que j’allais tirer mon lait. Cela s’est mis en place assez vite, et j’en ai été très surprise, je ne l’avais pas imaginé. Cela a été une bonne surprise. Le lait jaillissait littéralement dès que je plaçais les téterelles! Au bout des neuf minutes, je fermais les deux biberons et je les plaçais dans une glacière. Je rinçais les téterelles et je les mettais à sécher à l’air libre. Et hop, je repartais vers mes élèves!
Le midi, c’était souvent plus détendu, j’avais le plus souvent au moins une heure de pause. En général, je mangeais ma petite gamelle ou un sandwich, puis j’allais tirer mon lait en prenant plus de temps pour bien vider mes seins. Je mettais ensuite tout en place pour le tirage de 15 heures. A la fin de la journée, j’avais les trois repas du lendemain pour mon fils. Bien sûr, en fonction de la fatigue ou du stress, ce n’était pas aussi simple. Je me souviens d’une fois où un élève m’avait tellement énervée, que je n’ai pas pu tirer une goutte. Alors j’avais pris plus de temps à la pause de midi, et j’avais réussi à rattraper le coup. Ce qui me rassurait aussi, c’est que j’avais quelques biberons d’avance au congélateur pour pallier à des situations de ce genre. Mais ma règle absolue c’était de n’y toucher qu’en cas de problème, et non par “paresse”.
J’ai aussi eu des gros coups de stress comme par exemple l’oubli d’une pièce du tire-lait. Je me suis sentie très seule et aussi très nulle, j’ai pleuré un coup, et puis j’ai essayé d’exprimer manuellement. Je n’ai pas recueilli beaucoup de lait, mais au moins j’ai évité l’engorgement!
Il m’est bien sûr arrivé très souvent d’avoir de grosses montées de lait, alors je serrais les bras très fort sous les seins (les élèves devaient me trouver très sévère ou très coincée!), et cela marchait à peu près. J’avais de toute façon uniquement des TShirts noirs ou bleus foncés pendant cette période. Et évidemment un change dans mon sac!
J’ai réussi à tenir le coup jusqu’à Noël, grâce à mon mari qui me remontait toujours le moral quand cela n’allait pas, et grâce à la tétée de retrouvailles. En janvier, j’ai commencé à supprimer les tire-lait des récrés, parce que Nathan avait passé six mois et commençait à manger d’autres aliments. J’allais parfois me soulager les seins lorsque le besoin s’en faisait sentir. Le rythme est devenu vraiment plus cool, presque facile. Et en avril, j’ai totalement cessé de tirer mon lait au collège. Aujourd’hui Nathan tète encore au moins trois fois par jour. Je suis comblée, et, vraiment, je ne regrette rien de tous les efforts fournis. Je remercie les quelques personnes qui étaient dans le secret de mon projet, et sans lesquelles je ne serais pas allée jusqu’au bout. Et je remercie mon fils de m’avoir donné cette incroyable énergie d’amour.”
Impressionnant ! très beau témoignage.
Moi qui n’ai pas repris le travail et donc n’ai pas eu réellement besoin de tirer mon lait; je n’ai jamais réussi à en extraire beaucoup; j’avais besoin de mon fils sur l’autre sein …
comme quoi avec la motivation, notre corps fait le reste !
Super témoignage, moi meme prof et jeune maman, je me reconnais tout à fait dans l’expérience que tu décris. J’ai fait comme toi, pendant les récrés, puis seulement sur la pause de midi. J’écris d’ailleurs d’une main car dans l’autre il y a mon tire-lait. Un question me taraude, pourquoi n’y aurait-t-il pas d’aménagement dans notre profession ? Il y a dans d’autres pays un congé supplémentaire pour allaitement par exemple…
Bonjour Aurelia
Cette question il n’y a que l’état qui peut y répondre hélas….
Merci beaucoup pour ton témoignage. Je reprend le travail aussi en septembre mon petit aura presque quatre mois, il sera garder par une assistante maternelle et je désirais vivement continuer l’allaitement de manière exclusive jusqu’à six mois. Je me posais plein de questions pour savoir comment faire au collège et ça m’angoissait un peu. Ton témoignage m’a beaucoup encouragée et rassurée pour la rentrée, d’autant plus que j’enseigne la physique chimie donc je me préparerais un petit coin au labo pour tirer mon lait. Encore merci !!!
Merci pour ce témoignage qui me permet de sécher mes larmes ce soir.
Bebe 3 a 7 semaines. Je suis prof au college. Je me demandais si à reprise mi-octobre, je pourrais continuer cette merveilleuse expérience de l allaitement. Merci pour cette réassurance !
Bravo Madame ! Votre témoignage est inspirant !
Bonjour,
J’ai lu votre article enceinte de mon premier enfant et je me suis dit ” oh, c’est faisable ! “. Et une fois que je l’ai vecu moi même je ne suis dit : ” Bah, c’est pas normal de devoir tirer son lait dans des telles circonstances quand on travaille pour l’EN et que notre employeur c’est l’état “. Je trouve que nos edt devraient être adaptés (quand on enchaine 4h de cours on ne peut pas prendre les 15min de la recrée pour tirer son lait, moi il me fallait 30-40 minutes minimum) et on devrait avoir une salle habilité pour le faire sans avoir peur d’être vue, par exemple. Pour mon deuxième j’oserai en parler à ma direction et faire une demande claire.
Donc même si au début j’ai pu trouver ce témoignage inspirant maintenant je me dis qu’il ne faut pas se contenter et il faut faire valoir nos droits si on veut continuer à allaiter.
Bonjour Maria
Merci pour votre témoignage. Oui les mamans travaillant dans le secteur public en général, ont plus de difficultés à trouver du temps et un lieu calme, adapté pour tirer leur lait.
N’hésitez pas à faire valoir vos droits, c’est la demande qui va aider à faire évoluer les conditions.