Discutez allaitement et vous entendrez sûrement « moi je n’avais pas assez de lait pour mon bébé » « Ma mère n’a pas pu nous allaiter ; ce sera sûrement pareil pour moi », ou à l’inverse « Je dégoulinais j’avais vraiment trop de lait pour mon bébé, je pouvais en nourrir deux ».
Qu’en est-il au juste ?
Souhaitez-vous pouvoir dire « Je suis émerveillée de constater que je produis exactement le lait qu’il faut pour mon bébé » ?
À partir de la naissance, dès que le placenta est expulsé et dans les 48h qui suivent, la chute de la progestérone, une des hormones de la grossesse, va permettre à la prolactine, hormone qui entraîne la production du lait, d’être pleinement fonctionnelle amenant ainsi le sein à produire du lait en volume suffisant après avoir produit le colostrum ; c’est ce que l’on a coutume d’appeler la « montée laiteuse ». Dès le 4ème mois de grossesse, la prolactine agit sur les cellules capables de produire le lait et leur fait débuter la production mais en toute petite quantité, tout comme les deux premiers jours après votre accouchement. Votre prolactine est comme un moteur très puissant qui serait très très bridé. Ici c’est la progestérone qui la bride. Dès ce moment de bascule hormonale que constitue la montée laiteuse, la production de lait va être régulée au niveau de chaque glande mammaire bien qu’elle reste sous dépendance du taux basal de prolactine durant les six premières semaines environ.
Comment se joue alors cette régulation ?
La glande mammaire va fonctionner vraiment selon la loi de l’offre et de la demande dans le commerce et les sites de fabrication des produits : c’est la quantité de lait prélevée de votre sein (ce qui serait la demande d’un client) qui va induire une commande plus ou moins importante de la fabrication (ce qui est la réponse ajustée des unités de production à ce qui se vend).
Au départ, vos hormones lancent votre production à bonne allure, une allure qui vous est propre et individuelle. Si vous prélevez peu de lait, votre allure va baisser pour s’ajuster et éviter de stocker du lait pour rien. Si vous prélevez ce qui est disponible, vous maintiendrez votre allure. Enfin, si vous prélevez ce qui est disponible plus fréquemment qu’à l’habitude, vous augmenterez alors votre allure.
Lors d’une tétée, la succion de votre bébé stimule des fibres nerveuses situées principalement sous et sur le côté de l’aréole, ce stimulus est reçu par l’hypothalamus qui va induire de ce fait deux réponses effectuées par la glande hypophysaire :
- la sécrétion de l’hormone ocytocine, permettant l’éjection du lait contenu dans votre sein en faisant se contracter de petites fibres musculaires qui entourent les unités de production du lait et,
- la sécrétion de l’hormone prolactine qui induira une continuité dans la production.
En pratique : si votre bébé tète quasiment tout le lait présent dans votre sein, il induit une commande de lait plus élevée que s’il ne tète que la moitié ou 1/3 ou moins encore de ce que vous aviez produit, et plus il le fait fréquemment plus c’est vrai. C’est-à-dire qu’en tétant fréquemment quasiment tout le lait disponible, il amène votre sein à augmenter la vitesse à laquelle il produit. Donc, en quelques jours votre sein aura produit plus sur 24h, même si votre sensation de seins toujours souples vous fait penser le contraire. À l’inverse s’il tète peu, après la tétée votre sein n’est pas pleinement drainé et pas totalement souple, cela induira une production plus faible après cette tétée que s’il avait pris plus de lait, et si, de plus, votre bébé revient sur ce sein longtemps après : eh bien ce sein aura eu le temps de stocker du lait ce qui induit le message vers votre cerveau : « produis moins car on n’ a plus besoin d’autant » et la vitesse ralentit, ce qui en quelques jours aboutit à une production moindre sur 24h .
Beaucoup de situations de lactation jugée insuffisante sont des situations où la lactation n’a pas atteint un niveau optimal faute d’un drainage optimal et fréquent.
Le nouveau-né allaité exclusivement tète en moyenne 8 à 12 fois par 24h à un rythme irrégulier. En suivant ses signes d’éveil vous devriez vous assurer une production adéquate. Si ce n’est pas le cas c’est le moment de se tourner vers votre sage-femme ou une consultante en lactation diplômée.
[Auteure] : Dr Muriel Mermilliod, consultante en lactation IBCLC
[Biographie] : Formatrice en allaitement maternel, consultante en lactation IBCLC et chirurgien-dentiste, le Dr Muriel Mermilliod est l’une des meilleures spécialistes françaises des aspects pratiques et théoriques de la lactation humaine, des compétences et des besoins des nouveau-nés et de leurs mères