Lorsqu’une femme est enceinte, toute son attention va se porter sur son futur bébé, elle suivra bien les conseils de son médecin ou de sa sage-femme pour qu’il se développe et naisse en bonne santé. Elle va essayer notamment de manger sainement, ne pas fumer, ne pas boire d’alcool, éviter le stress, faire un peu d’exercice, se relaxer… Elle va également s’informer sur l’accouchement afin de se préparer mentalement et physiquement à accueillir son nouveau-né dans les meilleures conditions possibles. Son choix en toute connaissance de cause va se porter sur le lieu de naissance (hôpital public, clinique privée, domicile, maison de naissance..), et sur le mode d’accouchement (naturel, dans l’eau, assisté avec péridurale, césarienne programmée) adaptés à sa situation et à ses préférences.
Alors pourquoi ne pas aussi se préparer à nourrir son enfant lorsque le placenta ne sera plus là pour s’en charger ?
Bien souvent, les mères ont envie d’« essayer » l’allaitement maternel, elles pensent que cela arrivera tout naturellement et que par conséquent il ne sert à rien d’anticiper. De plus, elles sont persuadées que si par hasard cela ne « marche » pas pour elles, le fait de recourir au biberon et au substitut de lait maternel n’est pas si grave que cela. En fait, la plupart d’entre elles n’en mesurent pas vraiment les conséquences.
Alors, est-ce que cela se passe aussi naturellement qu’elles le croient ?
Il est vrai qu’un bébé né à terme et en bonne santé peut trouver le mamelon juste après sa naissance si on le place en peau-à-peau sur l’abdomen de sa maman et qu’on prend le temps de lui laisser faire le reste ; il y réussira d’autant mieux s’il est venu au monde sans intervention médicale, c’est à dire sans péridurale, assistance instrumentale ou césarienne et que sa mère et lui ne seront pas perturbés par le personnel soignant.
Les humains ne sont-ils donc pas d’abord des mammifères ?
Si, bien sûr, mais ce sont surtout des êtres pensants et parlants caractérisés par leur histoire personnelle et par leur culture d’origine qui présente de multiples facettes. L’allaitement humain est donc à la fois simple et complexe.
Ainsi, pourrait-on faire un parallèle entre l’allaitement maternel et la parole.
Je m’explique…
Bien que le petit de l’Homme ait la faculté naturelle de parler, il ne pourra apprendre sa langue maternelle que s’il est élevé dans un milieu linguistique donné où il pourra imiter, répéter, interagir, notamment avec sa mère ou toute autre personne prenant soin de lui.
L’allaitement, en ce sens, est aussi un apprentissage : même si les femmes sont biologiquement programmées pour allaiter, ce n’est que grâce au contact répété avec des mères allaitantes que les schémas visuels, les gestes s’intérioriseront et deviendront « naturels ».
L’allaitement est également un moyen de communiquer ancestral entre la mère et son enfant car, comme il serait simpliste de réduire une langue à un ensemble de mots et de règles, l’allaitement ne se limite pas à un moyen de nourrir son enfant, c’est en réalité un lien unique, évolutif, irremplaçable, riche en émotions, un dialogue continu.
Or, cet art d’allaiter transmis de génération en génération s’est perdu dans nos sociétés occidentales.
Les petites filles à qui on offre un poupon et un biberon, inclus dans le paquet (!) vont automatiquement reproduire les gestes qui leur sont familiers et joueront à lui donner le biberon. Lorsqu’elles deviendront adolescentes, les médias influenceront l’image qu’elles ont de leurs corps de petites femmes et très vite elles associeront leurs seins uniquement à leur attribut sexuel de séduction et non à leur fonction nourricière.
Les jeunes mères actuelles n’ont souvent elles-mêmes pas été allaitées ou très peu, non pas parce que leurs mères ne le souhaitaient pas mais parce que ces dernières étaient déjà conditionnées et soumises aux pratiques de l’époque basées essentiellement sur des idées reçues, des opinions et non des faits scientifiques prouvés d’autant plus que l’industrie agro-alimentaire (notamment l’alimentation infantile) était en plein essor.
Le taux d’allaitement en France [1] est actuellement un des plus bas d’Europe bien que nous observions un réel engouement des nouvelles mères à vouloir allaiter. Elles sont en effet mieux éduquées et connaissent en partie les raisons pour lesquelles l’allaitement maternel est important pour la santé de leur bébé et la leur. Hélas, elles sont encore soumises à la désinformation propagée subtilement par les fabricants de préparation pour nourrissons. Ceux-ci sont parvenus à persuader le public que leurs produits sont des substituts parfaits du lait maternel alors qu’il s’agit en réalité de soupes chimiques à base de lait de vache transformé sans aucun élément vivant et très éloignées de la composition du lait humain dont le caractère unique à chaque couple mère-enfant fait toute la différence.
Ce « fast-food » pour bébés se vend malgré tout très bien à en voir les profits financiers des gros groupes industriels. C’est là tout l’art de la publicité et d’un marketing intelligent : le conditionnement par l’image et les slogans convaincants.
Lors des cours de préparation à la parentalité, on ne veut en revanche pas aborder le sujet et parler ouvertement des risques de ne pas nourrir son bébé au lait maternel auquel il a droit en tant que petit être humain. On ne parle pas des risques accrus d’infection chez le nourrisson (otites, diarrhées, gastro-entérites aiguës, infections pulmonaires et urinaires..). On ne dit pas qu’un seul biberon précoce de lait artificiel peut compromettre à tout jamais la flore intestinale de l’enfant et avoir des conséquences sur sa santé à long terme. Le prétexte évoqué : il ne faudrait surtout pas culpabiliser les futures mères qui auraient choisi de ne pas allaiter ! Il ne s’agit pas de les ostraciser, mais de les faire réfléchir, de les informer et de leur faire prendre conscience du conditionnement dont elles sont victimes afin qu’elles puissent prendre une décision éclairée en matière de nutrition de leur bébé.
Alors comment les futures mères peuvent-elles se préparer au mieux pour réussir leur allaitement ?
Outre les cours de préparation qui devraient leur donner des outils pratiques afin de les rendre autonomes durant leur séjour à la maternité (où elles seront confrontées à un personnel souvent non formé), elles devraient multiplier les contacts avec des mères allaitantes. Elles s’imprégneraient ainsi des gestes propres au maternage : portage, change, habillage, tétées… Elles se familiariseraient aussi avec le langage des bébés afin de percevoir les signes avant-coureurs de la faim, de la fatigue, de l’inconfort… Un puits de connaissances pratiques dont elles sauraient tirer profit lorsqu’elles deviendraient mères à leur tour.
Et si une difficulté apparaissait dans la mise en place de leur allaitement, elles n’attendraient pas pour demander de l’aide auprès de personnes compétentes comme les consultantes en lactation[2].
[1] http://www.invs.sante.fr/beh/2014/27/2014_27_2.html
[2]http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Plan_daction_allaitement_Pr_D_Turck.pdf
Auteure de cet article : Myriam Panard, consultante en lactation IBCLC
Biographie : Enseignante de formation initiale et trilingue, Myriam Panard, mère de deux enfants allaités avec bonheur, est devenue consultante en lactation IBCLC en 2009 à Londres. Installée depuis 2013 dans les Yvelines, elle propose des consultations pré et post-natales à domicile (Paris et banlieue Ouest) ou en cabinet (Boulogne) et anime des ateliers pour futurs et nouveaux parents autour de l’allaitement maternel.
Après un premier allaitement mis en place sans trop de mal grâce à une grosse envie, de la lecture en amont (‘allaiter naturellement’) et un bel accompagnement familial (et malgré une césarienne et un état de dépression post partum !), et qui a duré jusqu’au sevrage naturel (29 mois !) , me voilà repartie pour un projet d’allaitement pour un 2e enfant que nous attendons pour cet automne.
J’ai le vécu de ce premier allaitement et pourtant… pourtant je n’arrête pas de me questionner, de me documenter, pour être prête le jour J à accueillir ce petit être et lui offrir ce que j’aurai de meilleur pour lui.
Allaiter c’est naturel mais ça s’apprend !
Anticiper me paraît indispensable… merci pour cet article (même s’il risque fort de n’être lu que par des mamans déjà allaitantes plutôt qu’en devenir)
Merci pour votre témoignage Sophie.
Si vous connaissez d’autres mamans enceintes, vous pouvez peut-être le partager pour qu’il puisse toucher un maximum de futures mamans.
Bon courage à vous pour ce futur allaitement ! 🙂
Quel bel article…
Ma bambinette est née par césarienne (j’en ai pleuré des heures et des heures…), j’ai refusé qu’on la place en couveuse. La couveuse serait remplacée par le peau à peau avec son papa, nous nous sommes battus mais nous avons réussi. J’ai egalement exigé qu’on me remonte du bloc aussi vite que possible (si bien sur je n’avais pas de problème particulier). Là encore nous nous sommes battus mais ça valait tellement le coup lorsque je suis remontée du bloc et que mon mari a déposé ma bambinette sur mon ventre et qu’elle a rampé jusqu’à mon sein.. Rien que d’y repenser j’en suis encore toute émue !
Ca va faire 13mois que je l’allaite et à tous ceux qui m’ont dit que je ne pourrais pas allaiter car j’ai eu un lymphome au sein droit deux ans plus tôt + une césarienne, je réponds juste que la nature a tout prévu et mon amour et l’envie du meilleur pour ce petit être ont fait le reste…
Documentez-vous futures mamans, faites en connaissance de cause, vous ne pourrez qu’allaiter ensuite…
Bravo Pauline d’avoir eu le courage d’affirmer vos choix !
Grande prématurée, ma fille ne pesait que 800g à la naissance. L’allaitement était voué à l’echec mais mon obstination et l’encouragement de mon mari m’ont permis de réussir à tirer mon lait afin que ce petit être tout minuscule puisse bénéficier de tous les bienfaits de mon lait. Nous attendons son petit frère ou petite soeur pour cet automne, il est bien évident que cet allaitement sera une revanche sur tout ce qui nous a été volé pour notre poupette. J’ai hate de pouvoir connaitre ce bonheur. Bravo pour votre article.
Bon courage Lucie pour ce futur allaitement et n’hésitez pas à vous informer et à vous faire aider pour la mise en place de cet allaitement