Moi dans la vie, je collecte le lait maternel

Le 4 janvier dernier, nous relayions  un appel au don de lait de mère pour le lactarium de Marmande sur notre page Facebook. Cette initiative a été bénéfique puisque le lactarium a pu reconstituer des réserves de lait qui s’épuisaient. La rédaction du Blog Allaitement a souhaité connaître l’envers du décor, la passion qui se profile derrière le métier méconnu de collectrice pour un lactarium.

Mme Bertin-Laumonier, vous êtes collectrice pour le lactarium de Bordeaux/Marmande, pouvez-vous nous décrire votre métier en quelques mots ?

Mon métier consiste, premièrement, à me rendre dans les hôpitaux pour informer les mamans allaitantes de la possibilité de donner leur lait pour les bébés prématurés.

Deuxièmement, il s’agit de collecter le lait recueilli et congelé au domicile des mères.

Troisièmement, je suis amenée à conseiller et accompagner dans son allaitement toute maman qui en fait la demande. Il m’arrive régulièrement de répondre à des demandes de conseils sans qu’il y ait un don par la suite ! Cet aspect de mon activité n’est pas contractuel, c’est un service que j’aime offrir en bonus.

 

Votre métier ne se limite pas, on le comprend, à simplement récupérer du lait recueilli par les mères. Parfois, nous dites-vous, vous êtes la seule personne à rendre visite à certaines mères isolées dans la campagne. Vous arrive-t-il de les aider quand elles sont confrontées à des difficultés d’allaitement ?

Bien sûr ! Cela fait partie du métier et cela arrive très fréquemment. Je le fais dans la mesure de mes connaissances (mon expérience personnelle me sert énormément) mais quand je sèche, je passe le relais à une sage-femme ou une consultante en lactation IBCLC, ou même à la pédiatre référente du lactarium.

Parfois, par le simple fait de notre visite et de nos échanges, on arrive à leur redonner un petit coup de peps !

N.B. : Comme le don de lait est entièrement gratuit en France, le soutien et les conseils que nous pouvons apporter sont un peu la « rétribution » que les mamans peuvent gagner en donnant leur lait !

 

Vous devez être amenée à parcourir un certain nombre de kilomètres, comment organisez-vous vos journées ?

J’organise ma collecte par secteur, en regroupant mes rendez-vous si possible dans la même zone. Je parcours en moyenne 120 à 150 km quotidiennement. Je peux voir jusqu’à 5 mamans par jour mais c’est vraiment le maximum car je souhaite prendre le temps de discuter avec chaque maman afin de prendre de ses nouvelles (santé, fatigue, douleurs, etc.), des nouvelles du bébé (croissance, appétit, sommeil) et discuter du bon déroulement de l’allaitement. Comme je n’ai pas de quota minimum à collecter, je n’ai pas la pression du « Le temps, c’est de l’argent » !

 

Quel est votre profil ? Quel type de formation avez-vous reçu pour devenir collectrice ?

J’étais professeur des Ecoles mais j’ai quitté l’enseignement il y a 4 ans. J’ai été engagée pour ce poste de remplacement sur la base de mes connaissances acquises au travers de 3 allaitements longs, ainsi que de mes dons au lactarium. J’avais effectué un remplacement d’un mois sur ce poste il y a 9 ans et j’avais déjà été formée à l’époque sur le côté administratif et sanitaire de la collecte. Ma prise de poste a donc été grandement facilitée.

N.B. : Au niveau profil de caractère, il faut aimait échanger et dialoguer, avoir une oreille attentive et une attitude toujours bienveillante envers les mamans. Ne jamais juger une maman (exemple : une mère qui veut arrêter d’allaiter ou qui décide d’arrêter de donner), mais plutôt les soutenir et les accompagner dans leurs choix.

 

Si une de nos lectrices souhaite faire un don de lait, comment peut-elle s’y prendre ?

Tout simplement en appelant le lactarium le plus proche  de chez elle ( voir la carte  ), et nous nous chargeons du reste ! En effet, nous apportons directement au domicile de la maman le matériel nécessaire et les explications pour le recueil du lait. Les mamans sont toujours très soulagées d’apprendre que ce ne sera pas à elles d’amener leur lait dans un hôpital !

 

Quel est votre record de collecte ?

Personnellement, j’ai appris par expérience à ne plus jamais parler de mes « records » de collecte devant mes donneuses car j’avais l’impression que ça minait le moral des mamans (en donnant l’impression qu’il faudrait faire aussi bien tout en sachant que c’est impossible) et ça dévalorisait les « petites » donneuses. On parle d’une échelle qui va du don d’un seul litre au don de plus de 100 litres…

 

Quel est votre plus beau souvenir de collectrice ?

Principalement quand j’arrive à aider une maman lors d’un gros problème d’allaitement qui aurait pu la conduire à arrêter. Récemment, une maman qui venait juste d’ouvrir un dossier de don m’a contactée en me disant qu’en vue d’une opération chirurgicale avec anesthésie générale on l’avait prévenue qu’elle ne devrait plus allaiter pendant 3 jours. Pour elle, il était clair que son allaitement allait s’arrêter et elle avait déjà baissé les bras. N’étant pas de formation médicale, je n’étais pas apte à lui donner les bonnes indications concernant les produits anesthésiants. J’ai donc contacté toutes les personnes de mon réseau personnel et professionnel afin de l’aider. C’était un samedi mais malgré tout, chaque personne m’a répondu (sage-femme, consultante en lactation, animatrice de La Leche League) afin de la soutenir et de lui donner les informations adéquates pour qu’elle puisse demander une anesthésie compatible avec l’allaitement. Grâce à cela, elle a pu reprendre l’allaitement dans les heures qui ont suivi l’intervention et aujourd’hui, elle allaite toujours son bébé de 4 mois !

 

Quelle a été votre plus grand défi et comment l’avez-vous surmonté ?

Finalement, les défis sont plus ou moins quotidiens : demande de démarrage de don en urgence qu’il faut intercaler entre 2 rendez-vous, demande de dépannage de biberons de recueil à l’opposé de notre zone de collecte du jour, retard sur la route, panne de voiture, tempête de neige (2 fois cette année !), annulation de rendez-vous, rendez-vous qui dure plus longtemps que prévu parce qu’une maman n’est pas bien ce jour-là, appel d’une biberonnerie d’hôpital pour venir vider leur congélateur en urgence quand il n’y a plus de place, etc.

 

On imagine combien vos journées peuvent être fatigantes parfois, comment entretenez-vous la motivation d’exercer ce métier exigeant ?

Tout d’abord grâce à la satisfaction de participer à ce réseau d’aide pour les prématurés et les nourrissons gravement malades.

Le plaisir quotidien de rencontrer régulièrement ces femmes allaitantes et leur enfant : avec certaines, nous pouvons être amenées à tisser de vrais liens amicaux. C’est aussi un vrai plaisir de voir grandir leur bébé d’un rendez-vous à l’autre.

J’aime aussi voir la fierté et l’épanouissement personnel que les mamans tirent de leur don : dans leur fierté de produire autant de lait et dans leur satisfaction d’aider, de donner de leur temps et de leur énergie dans un acte désintéressé.

J’ai été amenée à rencontrer et à nouer des contacts hyper enrichissants professionnellement et personnellement aussi bien avec les mamans qu’avec des professionnels de santé (sages-femmes, consultantes en lactation, puéricultrices,…) .

En plus, je suis soutenue à 100% par ma famille : mes enfants sont très fiers de ce que je fais et mon mari n’hésite pas à mettre la main à la pâte en chargeant les cartons de biberons de recueil dans ma voiture ou en m’aidant à décharger le lait collecté le soir.

[Auteure] : Hélène Bertin-Laumonier, collectrice remplaçante du Lactarium de Bordeaux/Marmande

[Biographie] : Mère de 3 enfants, Mme Bertin-Laumonier allaite encore sa petite dernière âgée de 2 ans. Elle remplace la titulaire du poste de collectrice du lactarium de Bordeaux/Marmande depuis 1 an (congé maternité et parental) et ce, pendant encore 8 mois.

 

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