Merci à Juliette, 27 ans, maman d’une petite Lise, pour son témoignage.
Maman d’une petite fille de 20 mois (déjà), j’ai vécu de grands chamboulements depuis sa naissance. J’ai souffert d’une dépression post-partum, qui a ensuite laissé place à une très longue et profonde « matrescence ». Des mois compliqués au cours desquels j’ai eu du mal à être en phase avec moi-même et mon entourage. Mais si je me suis posée mille et une questions – et que je m’en pose toujours d’ailleurs -, il y a bien un sujet sur lequel je n’ai jamais douté : je souhaitais allaiter mon enfant, et le faire aussi longtemps que chacune de nous y prendrait du plaisir.
Pourquoi ? Je ne saurais l’expliquer. A vrai dire je ne me suis jamais posé la question. La puissance de l’instinct certainement. J’ai eu de la chance d’être entourée de personnes merveilleuses : sages-femmes, puéricultrice, consultante en lactation. Et aussi mon mari. Tous ont contribué à la réussite de mon allaitement. Pour la mise en route, pour aider à positionner ce bébé goulu qui n’ouvrait pas assez grand la bouche, pour m’informer sur l’existence des pics de croissance. Et le plus souvent, simplement pour me redonner confiance en moi dans les moments de doutes. Parce que oui il y en a eu : les crevasses, la reprise du travail, les pics de croissance, la fatigue, les baisses de lactation. Mais pour mener à un bien cet allaitement, je me suis surpassée et je me suis découvert une force exceptionnelle.
L’allaitement a en effet été une réelle révélation pour moi. Pour la première fois de ma vie, j’ai mené un projet en parfaite adéquation avec mes envies profondes, en ayant la conviction de faire ce qui était juste pour moi et pour mon enfant. Et surtout, j’ai réussi à faire fi de toutes les réflexions et incompréhensions de mon entourage (Eh oui, moi aussi j’ai eu le droit au traditionnel : « Tu ne vas quand même pas l’allaiter jusqu’à ses 18 ans ? »). Comment ? Pourquoi ? Tout simplement parce que j’étais en accord avec moi-même, que mon mari me soutenait et que ma fille prenait autant de plaisir que moi à partager ces instants privilégiés. Je ne me suis jamais sentie agressée même lorsque les remarques étaient un peu moqueuses ou clairement porteuses d’un jugement. Le sujet de mon allaitement n’a jamais été source de conflit parce que j’étais en paix avec mon choix. Mais je peux aussi tout à fait comprendre qu’ils soulèvent des interrogations et de la surprise autour de moi. J’ai donc toujours été capable d’y répondre sereinement.
Attentive aux autres en temps ordinaire, ma maternité et l’allaitement ont accru mon empathie. C’est la raison pour laquelle je n’ai jamais porté aucun jugement sur mes amies, et sur aucune femme d’ailleurs, n’ayant pas allaité (par choix ou non). Au contraire, lorsque je décelais une certaine culpabilité chez elles à sortir un biberon alors que ma fille prenait le sein, je les rassurais. L’essentiel c’est d’être en accord avec soi-même, de faire ce qui nous a semblé juste à un instant donné. La tempête émotionnelle que l’on traverse en devenant mère est déjà bien assez intense, sans avoir à s’imposer quelque chose qu’on n’a pas envie de faire (allaiter pour elles ; arrêter d’allaiter au moment de la reprise du travail pour moi par exemple). Elles n’ont pas voulu allaiter ? Aucun souci. J’allaite toujours alors que ma fille a 20 mois ? Aucun problème.
La maternité m’a profondément transformée. Beaucoup de bonheur mais aussi des moments plus compliqués. Car non la parentalité n’est pas un long fleuve tranquille. Eh oui, nous avons le droit de le dire. Mon allaitement m’a permis de me (re)connecter avec moi-même et de vivre de manière plus apaisée toutes ces transformations. J’ai surmonté une dépression du post-partum. J’ai tiré mon lait pendant un an, parfois en tenant la pompe dans une main, le téléphone calé sous l’oreille tout en tapant sur mon clavier. J’ai transporté ma valise avec mon tire-lait plusieurs fois par semaine. C’était sportif, chronophage mais je ne l’ai jamais considéré comme un fardeau. C’était mon choix, ma décision. Je suis fière de mon allaitement mais aussi du cheminement que j’ai accompli grâce à lui. Au-delà de mon immense fierté d’avoir nourri ma fille, et de continuer à le faire, je suis émue d’avoir réussi à m’écouter et me respecter pleinement.
Alors aujourd’hui c’est surtout moi-même que je tiens à remercier. Ou plutôt mon instinct- animal ? maternel ?- je ne sais pas. Mais quoi qu’il en soit, il m’aura permis de vivre l’une des plus belles aventures de ma vie et de me redécouvrir. Alors mille mercis à toi d’avoir su prendre le dessus. Et s’il te plaît continue de le faire encore et encore, j’ai tellement envie de te (me) faire confiance aujourd’hui.