Billet écrit par Françoise Coudray, consultante en lactation IBCLC, formatrice et conférencière, Françoise Coudray est également la présidente fondatrice de l’A.D.J.+
Un jour un médecin m’a affirmé que pour lui : « Les coliques sont un sac fourre-tout où l’on met tout ce qu’on ne comprend pas ». D’une certaine manière, il n’avait pas complètement tort. Heureusement, nous disposons de plusieurs pistes qui pourraient expliquer les causes des pleurs intenses que l’on appelle communément coliques du nourrisson. Car il n’y a rien de pire que d’être face à une famille désemparée, où la mère pense à tort que son lait n’est pas bon et fait souffrir son enfant. Dans une telle période de vulnérabilité, il en faut peu pour que la mère se retrouve aspirée dans une spirale infernale pouvant déboucher sur un sevrage.
Que
sont les coliques au juste ?
Les coliques sont des pleurs inexpliqués, inconsolables. On constate souvent que l’enfant serre les poings, relève ses jambes. Si le pic d’apparition des coliques est situé entre 5 et 8 semaines, elles peuvent démarrer plus tôt et durer jusqu’à 4 à 6 mois (Lucassen et al 2001). On ignore pourquoi certains enfants sont touchés et d’autres non.
Une
difficulté à digérer certaines protéines consommées par maman ?
L’immaturité du tractus gastro-intestinal peut jouer un rôle. Bien que non validée par de nombreux soignants, l’une des premières causes probables des coliques serait une réaction à la protéine de lait de vache (PLV) consommée par la mère du bébé allaité. Malgré le manque de preuves médicales, de nombreux épisodes de coliques s’atténuent, voire disparaissent lorsque la mère suit un régime d’éviction strict de tous les produits laitiers d’origine bovine. Je pense notamment à une maman en larmes qui m’appelait un soir. Je la questionnais pour tenter de comprendre l’origine des pleurs de son bébé. C’est alors que j’évoquais l’hypothèse selon laquelle sa consommation de PLV pourrait avoir un effet sur son bébé. Je lui suggérais alors d’arrêter les PLV durant un mois. Et ça a fonctionné. En quelques jours à peine, les symptômes de coliques avaient largement diminué. Au-delà d’explorer les pistes précédentes : supprimer les principaux allergènes (pas uniquement de lait de vache) pourrait fonctionner.
Un
allaitement à adapter ?
Des mères remarquent aussi que leur bébé présente des selles vertes et explosives. Certains auteurs expliquent ce phénomène par un déséquilibre entre un lait riche en lactose et la lactase (enzyme digestive) disponible pour bien le digérer. Ceci entraînerait un déséquilibre au niveau de l’intestin, un transit rapide, et des selles liquides, malodorantes et vertes. Ce type de transit génère des douleurs abdominales. Des mères tentent alors de donner plusieurs fois le même sein en retirant le trop plein du sein opposé et en veillant à ce qu’il ne s’engorge pas ; cela semble améliorer le confort de leur bébé.
Le
tabagisme aggraverait les coliques
Parmi les autres causes, citons le tabagisme. Le tabagisme passif joue lui aussi un rôle délétère. L’augmentation excessive de la motilité gastrique et intestinale toucherait aussi bien le fumeur que le bébé allaité exposé. Les fumeurs adultes pourront en témoigner. En cause, un taux très élevé de motiline déjà passablement désagréable chez l’adulte. Imaginez alors son impact sur le système gastrique et intestinal immature du bébé ! Les mères allaitantes fumeuses devraient être soutenues pour essayer de diminuer leur consommation de cigarettes. Précisons que toute cigarette devrait être fumée à l’extérieur et pas seulement devant une fenêtre. On pourrait croire que pour protéger le bébé, il suffirait alors que la mère sèvre son enfant. L’allaitement continue de mieux protéger l’enfant de tous les risques associés au tabagisme passif notamment s’il y a été exposé pendant la grossesse. A noter que les substituts nicotiniques pendant la grossesse peuvent également générer des coliques.
Deux
autres causes sont à elles seules des cercles vicieux :
l’anxiété et la dépression.
Lorsque
l’enfant naît, et que la mise en route de l’allaitement est
laborieuse, il s’en faut peu pour que la mère commence à souffrir
de lésions, entraînant des douleurs, du stress, et un climat pseudo
dépressif. Si l’on ne prend pas rapidement en charge la cause de
l’anxiété, la souffrance morale ressentie face à un enfant qui
pleure génère à son tour un maelström de sentiments négatifs
lesquels pourraient aggraver les coliques. Là encore, un système de
soutien et d’accompagnement sont nécessaires.
Quels
remèdes peut-on proposer ?
Allaiter exclusivement pourrait être bénéfique à plusieurs niveaux, aussi bien du fait des hormones contenues dans le lait maternel que des différences dans les pH et la composition de la flore intestinale chez l’enfant.
Porter l’enfant en écharpe diminue les pleurs, leur intensité, et leur durée. Le toucher en lui-même apaise ; le massage de l’enfant peut donc trouver sa place ici.
Un
avis médical peut être nécessaire
Une
administration orale de Lactobacillus reuteri pourrait améliorer les
coliques (Sung et al., 2013).
Des
extraits à base de camomille allemande/matricaire Matricaria
recutita, de fenouil Foeniculum vulgare, et de mélisse Melissa
officina pourront être utiles car ils sont connus pour diminuer la
durée des pleurs. (Savino, Cresi, Castagno, Silvestro, & Oggero,
2005).
Une visite chez un ostéopathe pourra s’avérer intéressante également.
En
outre, l’acupuncture aussi bien pour l’enfant que pour la mère
pourrait être bénéfique.
Et
si rien ne « marche », une évaluation médicale complète
devrait être faite.
En
conclusion
Aucun parent n’est véritablement armé pour supporter les pleurs de son enfant. L’entourage a souvent vite fait de recommander le sevrage, pensant que le problème vient du lait maternel. Or, sevrer ne résoudra pas forcément le problème ; il est même possible qu’il l’aggrave. Identifier la cause des coliques est un exercice délicat et souvent voué à l’échec. Aucune piste ne devrait être exclue car si la PLV est souvent en cause, elle n’est pas nécessairement la seule à incriminer. Certaines stratégies sont faciles à mettre en œuvre. Si les coliques sont inévitables parfois, il est possible de les apaiser.