Voici le témoignage de Judith ,maman de Noah 12 ans , Solal et Aurel 8 ans
Lorsque j’attendais Noah, je n’avais pas d’amies autour de moi qui étaient déjà mamans, et je suis l’aînée de la fratrie, j’ai donc cherché des conseils dans les livres. Et j’ai énormément lu, j’avais envie de tout bien faire, d’être « une bonne maman ».
Concernant l’allaitement, je savais que c’était naturellement bon pour mon bébé, sain, facile (rien à laver, rien à transporter). Je le voyais aussi comme un moyen de créer un lien fort avec lui.
J’ai accouché à Nanterre, dans une maternité publique très orientée « accouchement naturel ». J’y ai accouché sans péridurale, dans leur Salle Nature (avec bain aux huiles), entourée d’un personnel très à l’écoute et respectueux. Je me rappelle de cette sensation « étrange » de la première mise au sein, quand, encore sur la table, on m’a posé mon bébé sur le ventre. Une sage-femme m’a très vite appris comment allaiter mon bébé allongée, afin de pouvoir me reposer le plus possible.
Malheureusement une crevasse est vite apparue (Noah ayant été sorti avec les spatules, il avait du mal à bien positionner sa tête pour prendre le mamelon) et les ennuis ont commencé. De retour à la maison, la douleur a continué puis s’est amplifiée, et au bout de 2 ou 3 semaines j’ai eu une mastite, c’est-à-dire une inflammation du sein. Mon sein (pas celui avec la crevasse, l’autre) était énorme, ultra tendu, chaud, rouge, et j’avais de la fièvre.
Mais il était hors de question que je stoppe mon allaitement à cause de ça. J’ai appelé La Leche League et une animatrice m’a conseillé de faire téter mon bébé le plus possible pour drainer le sein, de me masser avec du chaud. Elle m’a conseillé également une position improbable mais qui s’est révélée efficace : allonger mon bébé sur mon lit et me positionner au-dessus lui, le sein en suspension (je vous laisse imaginer la scène !). C’était très dur, mais Noah et moi devions faire équipe pour dépasser cette épreuve. 3 jours plus tard, ça allait mieux et j’ai pu savourer ces moments partagés avec mon bébé. J’avais beaucoup de lait (et d’ailleurs un réflexe d’éjection un peu trop fort), Noah grossissait très bien, cette sensation d’abondance, de « mère nourricière », me comblait.
Quand Noah a eu 2 mois, j’ai fait appel à une conseillère en lactation car la crevasse ne passait pas (voire saignait parfois) et de nouvelles douleurs étaient apparues. Après chaque tétée, je ressentais comme une décharge électrique dans le sein qui irradiait ensuite dans tout le haut du corps, me provoquant frissons et douleurs fulgurantes. Elle m’a dit que j’avais tous les symptômes de la candidose mammaire (c’est-à-dire un champignon qui se niche dans les canaux lactifères). Toujours motivée, je me suis traitée avec du violet de gentiane et de l’extrait de pépins de pamplemousse et après 2 semaines, la candidose avait disparu et la crevasse aussi (car c’est la candidose qui empêchait la crevasse de guérir). Ce n’est donc qu’aux 3 mois de Noah que j’ai enfin pu profiter pleinement de mon allaitement.
A ses 5 mois et demi, j’ai repris le travail. Je lui donnais la tétée le matin, le soir et la nuit et la journée je tirais mon lait au bureau et le donnais à la nounou pour la journée. Je me rappelle que Noah buvait dans une tasse à bec car j’avais peur que le biberon influe sur son réflexe de succion.
J’ai allaité Noah jusqu’à ses 8 mois, puis la fatigue ayant raison de moi, j’ai progressivement réduit les tétées ; c’était le bon moment pour nous 2.
4 ans plus tard, j’étais enceinte de jumeaux. Soucieuse d’offrir la même chose à mes enfants, je voulais de nouveau allaiter. Je me suis alors renseignée sur l’allaitement de jumeaux : organisation, positions, quantité de lait… Et j’ai été assez vite rassurée sur le fait que « oui c’était possible » et surtout sur la magie du corps humain, et que la source se remplit à la demande. J’avais confiance en moi et en mon corps!
Solal et Aurel sont nés à Colombes par voix basse, très, très vite. Solal est rapidement parti en soins intensifs car il avait de l’eau dans les poumons, et je n’ai pu l’avoir que quelques minutes sur moi pour une rapide tétée d’accueil. Il y a été nourri à la paille pendant les 36h où il y est resté. Aurel, quant à lui, a pu profiter de ce premier moment plein de douceur.
Le lendemain, une sage-femme, qui était aussi conseillère en lactation, est venue m’assister pour notre première tétée à trois. Les coussins bien calés, un bébé en madone, l’autre en ballon de rugby, c’était superbe. Les trois premiers mois, c’est presque toujours ainsi que j’ai allaité les garçons. Ils étaient encore petits et avaient généralement faim en même temps. C’était notre moment à tous les trois. Et on en a passé du temps comme ça ! Avec du recul je me rends compte que c’était très chronophage, mais c’était un moment de câlins, de lien intense, on prenait le temps, le reste étant consacré aux couches, laver les habits, plier les habits, donner les bains… une sacrée logistique !
Pour Noah, ça n’était pas facile. Même si je veillais à passer du temps avec lui, les petits n’étaient jamais très loin de la source. Un jour il m’a demandé si lui aussi pouvait téter. Passé la surprise de cette requête, j’ai réfléchi et lui ai dit que oui. Après la tétée de ses petits frères, il pourrait le faire. Le moment venu, il s’est approché puis m’a dit « ah non c’est pour les bébés, moi je suis plus un bébé ». Je suis heureuse de lui avoir laissé cette liberté, de lui avoir fait confiance. Il ne m’en a ensuite jamais reparlé, je pense qu’il avait été rassuré de la possibilité qui s’offrait à lui.
Quand les jumeaux ont eu 3 mois, ils ont commencé à avoir moins de place au sein et surtout ils ont commencé à s’agiter, à vouloir attraper le pied de l’un, tirer les cheveux de l’autre… et tout ça avec mes seins dans la bouche ! Donc je suis passée à un allaitement alterné (l’un après l’autre), en prenant soin de les changer de côté car je sentais qu’un de mes seins donnait plus que l’autre.
Et on a fonctionné comme ça jusqu’à leurs 8 mois, moment où ils ont enfin commencé à s’intéresser aux purées et compotes. Je suis ensuite passée en allaitement mixte à leur entrée en crèche (à 10 mois) puis je les ai sevrés à 11 mois (ils étaient curieux de tout, tournaient la tête partout, encore avec mon sein dans la bouche !). J’étais aussi très fatiguée car ils ne faisaient toujours pas leurs nuits et je ressentais le besoin de me retrouver, de retrouver mon corps. Je me souviens de cette dernière tétée, de ce moment que j’avais décidé. Chacun a tété un sein et c’était terminé.
Avec du recul, je pense que j’aurais dû mieux m’écouter, mieux gérer mon énergie pour me préserver. Par exemple en donnant des biberons de lait la nuit pour pouvoir récupérer, ce qui aurait plus impliqué le papa aussi. Car ces allaitements, que ce soit celui de Noah ou celui des jumeaux, m’ont pris énormément de ressources. Mon sommeil a été complètement déréglé et j’ai mis plus d’un an à resynchroniser mon horloge interne et à redormir correctement.
Je voulais à tout prix être une bonne mère, être performante, comme dans les livres… mais une bonne mère est une mère qui s’écoute, qui sait lâcher, car pour bien s’occuper des autres il faut savoir s’occuper de soi.