L’ocytocine est une hormone actuellement
placée sous les feux de la rampe. Qualifiée d’hormone de l’affection, du
bonheur, de l’attachement, de l’amour, du lien social, de l’empathie, on prête
à l’ocytocine une influence sur la fidélité, chez les campagnols des prairies !
On estime que l’ocytocine est apparue il
y a quelques 700 millions d’années. C’est une hormone dont la synthèse est
endogène : elle prend naissance à l’intérieur du corps. Elle existe sous
la même forme chez tous les mammifères. On connaît son rôle dans le
déclenchement du travail d’une femme qui accouche, on sait aussi qu’elle permet
l’éjection du lait des seins. Des recherches récentes ont montré son effet
relaxant, sédatif notamment lorsqu’elle est libérée au moment des rapports
sexuels. Elle est impliquée dans les comportements d’attachement, de soin aussi,
particulièrement lors de l’allaitement, et plus généralement quand des
personnes célèbrent un évènement, dansent ou chantent ensemble, par exemple.
Son nom « ocytocine » lui
a été donné en 1906 par Sir Henry Dale en référence à ses propriétés alors
connues sur le déclenchement des contractions des muscles lisses de
l’utérus.
En grec ancien « ocytocine » signifie en effet
« naissance rapide ». Chez
l’être humain elle a un double rôle d’hormone et de neurotransmetteur : on
la qualifie donc de « neuro-hormone ». Elle est principalement
synthétisée par l’hypothalamus et par l’hypophyse.
La sécrétion d’ocytocine augmente tout
au long de la grossesse. Elle stimule la contraction utérine, contraction qui
est involontaire, intermittente, totale (intéressant tout l’utérus) et
douloureuse à partir d’un certain seuil d’intensité (avec les prostaglandines,
autres hormones endogènes, qui ont un rôle fondamental dans le déclenchement du
travail dont l’origine est par ailleurs multifactorielle). Elle aura ensuite un
rôle au moment de la délivrance physiologique lorsque, après un temps de
latence, elle déclenche à nouveau les contractions permettant la délivrance (expulsion
du placenta) et limitant ensuite l’hémorragie.
On a recours à une ocytocine de synthèse
dans certains modes de déclenchements artificiels du travail. Il arrive
fréquemment aussi qu’elle soit perfusée en cours de travail pour améliorer la
dynamique utérine.
Au moment de l’allaitement, la succion
du mamelon et les stimulations sensorielles avec le nouveau-né créent une
excitation neuro-hormonale qui déclenche la libération de l’ocytocine,
libération rythmée, discontinue. L’ocytocine permet l’éjection du lait en
agissant sur les récepteurs de la plus petite unité cellulaire du sein :
l’acinus (du latin «acinus : grain de raisin»).
En bonne messagère, elle travaille
conjointement avec ses consoeurs que sont la prolactine, les oestrogènes et la
progestérone, dont les taux se régulent de manière subtile pour que la
lactation s’installe de façon harmonieuse. Plus largement, il semble que
l’ocytocine module les réponses au stress qui accompagnent souvent l’expérience
de la naissance et du post-partum et de l’allaitement et confère un plus grand apaisement.
Cette diminution du stress contribue à une meilleure confiance en soi
maternelle.
Pourquoi l’appelle-t-on aussi « hormone
de l’attachement » ?
L’attachement est décrit comme un lien
affectif, durable, dont la spécificité serait l’expérience de la sécurité et de
réconfort éprouvée en présence de l’autre. Selon le chercheur et psychologue
Blaise Pierrehumbert, l’ocytocine « sécrétée
lors de contacts proches semble en retour favoriser la relation. Il s’agit donc
d’un système en boucle »[1]
Au moment de la naissance, il semble
qu’elle facilite l’émergence du lien mère-enfant. Les mouvements du nouveau-né
vers le sein maternel, la succion du mamelon, les sentiments maternels
chaleureux à l’égard de son enfant, le toucher, l’échange de regards etc. sont
autant de signaux déclencheurs de la libération de l’ocytocine. Ses effets de
détente renforcent la « préoccupation
maternelle » que B. Pierrehumbert décrit ainsi : « comme une fonction adaptative essentielle,
permettant à l’enfant de recevoir les soins adéquats. Et il ne fait pas de
doute que cette « préoccupation » soit déclenchée par des facteurs
provenant à la fois de la mère (hormones) et du bébé (appels) ; les
« déclencheurs » impliqueraient du reste autant l’un que l’autre des
partenaires »[2].
Les pères sont eux aussi concernés par
l’action de l’ocytocine même s’ils n’ont pas reçu en les hormones à l’œuvre
dans la parturition de la même manière. Le taux paternel d’ocytocine est
associé aux contacts entre le père et son enfant, et ce taux augmente en
réponse aux soins donnés.
Pour conclure, l’ocytocine est impliquée
dans de nombreuses fonctions humaines. Elle est le maillon d’une chaîne
complexe, qui est à l’origine des fondements biologiques des soins parentaux.
Elle favorise l’émergence des liens filiaux. La recherche s’intéresse aussi à
l’ocytocine en thérapeutique (notamment
par exemple dans les pathologies psychiques du post-partum).
Sources et
lectures :
« Le rôle de l’ocytocine dans les
comportements maternels de caregiving auprès de très jeunes enfants » AL. Saive/DEVENIR/2010-4-vol
22/Ed Médecine et Hygiène
« L’ocytocine et la dépression du
post-partum « C.Cardaillac.et al/Journal de gynécologie-obstétrique
2016 ; 45(8)
« L’implication des parents en
néonatologie et le processus de caregiving » N.Guédeney et
al/DEVENIR/2012/1(Vol.24)Ed Médecine et Hygiène.
« Découverte de l’hormone de
l’altruisme et de l’empathie » P.Gravel/Le Devoir/16/08/17
« Ocytocine et stress de la mère au
cours de la lactation en post-partum » C.Boutet et
al/Ann.Endocrinol.2006 ; 67,3./Masson
« Ocytocine, psychopathologie et
réponses de stress »/Journées annuelles de
l’AFBPN-2012/www.sciencedirect.com
[1]B.
Pierrehumbert. « Amour et attachement » SPIRALE/2016-4(n° 80) Ed
ERES.
[2]B. Pierrehumbert « L’amour maternel… un amour impératif »SPIRALE/2001-2(n°18) Ed.ERES
[Auteure] : Anne Bruyère
[Biographie] : Anne Bruyère est sage-femme depuis 1982. Elle
travaille en PMI.
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