Témoignage de Julie, auxiliaire de puériculture, monitrice de portage, instructrice massage bébé et animatrice LSF ( langue des signes ) bébé.
Quand ce petit être est venu se loger au creux de moi après de multiples fausses couches et évènements malheureux, je l’ai ressenti comme une ode à la vie, un nouveau départ.
Une grossesse mal vécue avec ce stress de la mort qui planait au-dessus de ma tête ne m’a pas permise de me projeter sur la naissance et le après ; je ne parvenais pas à me visualiser repartant de la maternité avec un bébé. J’étais loin de m’imaginer que porter la vie après la mort sera un défi constant. Alors quand on me parlait d’allaitement, je disais juste : « je vais essayer ! ».
Très prévoyante et bien endoctrinée par la société de consommation, j’avais acheté tout l’attirail (bouts de seins en silicone, tire-lait manuel, coussin d’allaitement, du lait en poudre, des biberons).
De par mon métier d’auxiliaire de puériculture en maternité, j’étais informée et consciente des pratiques autour de l’allaitement, du risque des compléments, de la perte de poids, et malgré tout je comptais y faire face avec mon conjoint comme meilleur soutien mais en réalité je n’avais pas confiance en moi.
Le jour J arriva, perte des eaux, début du travail, je ne gère pas la douleur et accepte la péridurale trop rapidement. S’ensuit une suite tellement prévisible : stagnation du travail, ralentissement du rythme cardiaque de mon bébé, bébé en souffrance. Le gynécologue passe alors et il m’a suffi d’un regard de sa part pour que je comprenne que rien n’allait se passer comme je le voulais. J’entends encore ces mots « code rouge » que je ne connais que trop bien. On pratique une césarienne en urgence. Et soulagement, bébé va bien, moi aussi ! C’est le principal comme on dit ! Seulement, qui dit césarienne, dit séparation.
Quand je retrouve mon bébé, je ne ressens rien, je l’observe, le câline comme le bébé de quelqu’un, je tente une mise au sein mais il est complètement ailleurs.
Je le regarde et je le garde contre moi toute la nuit, je tente de le mettre à mon sein mais je ne sais pas faire, je n’y arrive pas, il ne tète pas, il pleure. Je me dis alors que je ne sais pas l’apaiser. Régulièrement des auxiliaires viennent essayer de m’aider à « brancher » ce bébé car je refuse les compléments.
Je masse mes seins et exprime seule mon colostrum, ce qui va aider à faire venir ma montée de lait. Mon bébé reprend enfin du poids à j5 et nous pouvons sortir. Je pensais avoir tout gagné. Et je me dis que tout sera maintenant un long fleuve tranquille.
Pourtant ce qui m’attend ce sont des douleurs, des crevasses, un réflexe d’éjection fort difficile à gérer par mon bébé, un allaitement acrobatique, un bébé jamais apaisé. Je passe alors des heures sur les réseaux sociaux et sur le site de La Leche League pour comprendre, apprendre, chercher du soutien. En vain. L’allaitement n’est plus alors une option pour moi mais un but ultime.
Il m’aura fallu de multiples rencontres et échanges avec de nombreuses mamans, des professionnels pour mettre un mot sur la cause qui a gâché tous nos moments d’allaitement : les freins restrictifs. J’ai vécu une course effrénée d’ostéopathes en chiropracteurs, de pédiatres en sages-femmes, pour finir avec une consultante en lactation, et enfin, après ce périple, trouver une personne qui, au détour d’une conversation, avance simplement : « Tu as du terriblement souffrir ! » alors qu’elle regarde mon fils. Je suis ébranlée. Enfin quelqu’un a compris et a su me guider vers la suite de ce long voyage qui n‘est pas fini.
Inconsciemment, tout ce parcours m’a révélé en tant que mère. Il a changé ma vision professionnelle et de l’accompagnement. Aujourd’hui je me forme pour devenir consultante en lactation IBCLC. Et je n’ai mis aucune limite à la fin de mon allaitement. Je vis celui-ci en conscience avec mon petit bonhomme de presque 3 ans et nos moments lactés rechargent nos batteries mutuelles.
Cette histoire était écrite et prédestinée à changer mon destin.