Voici le témoignage de Julie, 41 ans, maman de Ruben 3 ans et Zelig 7 mois.
Quand j’ai dit à ma mère que je pensais allaiter mon bébé, elle a émis quelques réserves : « tu es comme moi, tu sais. Tu as les bouts de seins trop courts. », a-t-elle rétorqué alors. Ni ma sœur ni moi n’avions été allaitées pour ces mêmes raisons. De plus, je suis née à une époque où on n’encourageait pas vraiment les femmes à l’allaitement maternel, elles qui venaient de brûler leurs soutien-gorge et prônaient la liberté sexuelle. Mais j’étais motivée et je me suis inscrite à une séance de formation avec une sage-femme qui donnait des conseils pratiques, montrait les positions. C’est avec elle aussi que nous avons fait de l’haptonomie.
Je voulais essayer d’allaiter car je trouvais
ça simple, naturel, et naturellement bon pour mon bébé, mais aussi
très pratique pour moi dans tous les déplacements (pas d’eau à
transporter, de biberon à chauffer, de timing à calculer) et puis
j’avais envie de ces moments de câlins avec mon bébé.
À la naissance de Ruben, on m’a demandé si
je voulais allaiter et à la première mise au sein j’ai pu compter
sur l’aide d’une puéricultrice très douce et pédagogue qui m’a
aidée à bien placer mon bébé. Je me suis sentie bien accompagnée
par le personnel de la maternité .
De retour à la maison, ça a été une autre
histoire. Ruben se montrait très impatient. Il l’est toujours
d’ailleurs en ce qui concerne la nourriture ! Si je ne
trouvais pas tout de suite la bonne position, il s’énervait et
finissait par s’endormir. Puis il se réveillait, réclamait et
c’était reparti ! Ça a pris un peu de temps pour qu’on
s’accorde lui et moi. J’ai même essayé les bouts de seins en
silicone (influencée par la réflexion de ma mère), mais c’était
pire.
Au 2ème
ou 3ème
jour, j’ai reçu la visite d’une sage-femme qui m’a bien aidée
à faire retomber le stress. Mon conjoint a également été un allié
sur qui je pouvais compter car il avait pu observer la position qui
convenait à Ruben et il m’aidait à bien le placer. Une fois ce
petit calage passé, ça a roulé ! Au bout de deux mois, je
suis passée à un allaitement mixte pour préparer en douceur ma
reprise du travail.
Au 5ème
mois, j’ai été prise de vertiges très violents. Après de
nombreuses analyses, on m’a diagnostiqué un virus dans l’oreille
interne et j’ai dû prendre des antibiotiques très forts,
incompatibles avec l’allaitement. J’ai donc arrêté subitement
d’allaiter Ruben et j’ai été un peu triste de ce sevrage non
choisi. Mais comme Ruben l’a bien vécu, j’ai pu me concentrer
sur le traitement de ces affreux vertiges.
Mon deuxième fils, Zelig, est né avec un mois
d’avance. C’était tout de même un beau bébé de 3,130 kg.
Forte de ma première expérience, je suis retournée dans la même
maternité … et heureusement. Soucieuse d’offrir la même chose à
chacun de mes enfants, je comptais bien sûr allaiter Zelig.
À la première mise au sein, on m’a proposé
de l’assistance. Je pensais m’en sortir facilement puisque
c’était mon deuxième enfant. Pourtant un autre bébé voulait
dire une autre histoire.
À peine s’était-il accroché au sein que
Zelig a eu beaucoup de mal à téter. Il était comme essoufflé, il
respirait difficilement. La puéricultrice qui était restée dans la
salle d’accouchement a immédiatement compris que Zelig peinait à
respirer normalement et elle l’a emmené en salle de soins pour
aspirer les sécrétions qui entravaient sa trachée.
Et les
minutes passaient…
Quand j’ai vu revenir mon conjoint avec le
pédiatre mais sans mon bébé, j’ai compris que quelque chose
n’allait pas. Zelig avait été emmené en salle de soins intensifs
et placé sous assistance respiratoire (avec un masque sur le nez et
la bouche pour l’aider à respirer). Il avait un pneumo thorax,
c’est-à-dire une poche d’air dans le poumon qui l’empêche de
se gonfler entièrement et qui nécessite une ponction. J’étais
abasourdie mais mon conjoint était là heureusement pour me rassurer
et me donner des nouvelles de Zelig qui était sous perfusion et
sonde gastique.
Notre première tétée avait donc été très
brève. Le personnel soignant a déconseillé les mises au sein, les
jugeant trop fatigantes pour lui et impossibles avec l’harnachement
du monitoring. La sage-femme m’a donc proposé un tire-lait pour
stimuler ma lactation. Elle m’a constamment encouragée à
continuer même si je ne collectais qu’une goutte de colostrum.
Quelques heures plus tard, j’ai pu aller voir
Zelig en unité de soins intensifs et faire une séance de peau à
peau avec lui (malgré les branchements et le masque). J’étais
heureuse de ce moment partagé et je pense que ça a stimulé ma
lactation.
Une fois la ponction de la bulle d’air faite,
Zelig respirait mieux mais il a dû rester en réanimation. J’allais
le voir et j’utilisais le tire-lait mis à ma disposition dans la
salle. Tout était pensé pour favoriser l’allaitement maternel.
Quand ma montée de lait est arrivée, mon lait
a été testé pour vérifier qu’il n’y avait aucun germe et
Zelig a pu en recevoir quelques gouttes sur une gaze posée sur ses
lèvres, puis via la sonde gastrique. On lui a retiré la sonde le
6ème
jour grâce à la puéricultrice qui a réussi à convaincre le
pédiatre et j’ai pu enfin allaiter Zelig naturellement, comme je
l’avais fait pour son grand frère. Ce fut ma plus belle victoire !
Pendant ces 6 jours de stress, d’inquiétude,
d’attente, je suis toujours restée motivée. Je mettais toute mon
énergie à tirer mon lait assidûment. Je me disais que je devais y
arriver pour lui. Avec du recul, je me dis que c’était peut-être
aussi ma façon de me masquer la gravité de la situation. Lui donner
mon lait, c’était la seule aide que je pouvais lui apporter. De
retour à la maison, tout s’est bien passé. J’ai pu allaiter
Zelig 6 mois.
Cette expérience m’a appris que quand je
veux vraiment quelque chose, je suis capable d’aller au bout, je
suis déterminée. Je ne retiens pas les difficultés ni la
souffrance, je sais que je devais juste le faire.