Le lait maternel, nourriture « psycho-émotionnelle » : l’univers olfactif …

On constate chez les bébés allaités une sorte d’addiction à la tétée. L’odeur de leur mère semble leur procurer une véritable délectation : elle est particulièrement apaisante. Des recherches ont été menées sur le sujet et leurs conclusions sont intéressantes.

Avec le sens du toucher, le système olfactif est le sens le plus mature à la naissance. C’est un avantage évolutif pour l’ensemble des mammifères. Darwin a d’ailleurs été le premier à relier empiriquement les odeurs de la mère à l’interaction mère-enfant. Environ 1 à 2% du génome humain est consacré à la production de récepteurs du système olfactif : c’est dire toute l’importance que revêt ce sens.

Le nouveau-né est spontanément capable  dès ses premiers jours de vie, de détecter et reconnaître l’odeur des mamelons de sa mère. L’apprentissage de cette reconnaissance olfactive s’est déroulé pendant la vie intra-utérine : l’odeur des seins de sa mère a un effet attracteur tel une phéromone et son système olfactif est capable de détecter des concentrations très basses.

Certains auteurs concluent que tout cela pourrait avoir des applications majeures pour des actions thérapeutiques. Chez les enfants prématurés, la stimulation olfactive a par exemple permis une nette diminution (de l’ordre de 45%) de l’apnée (avec et sans bradycardie) chez des enfants prématurés.

Les études ont  montré aussi que le lait maternel et le liquide amniotique avaient la même signature olfactive. C’est assez logique finalement : le placenta est très perméable aux solutés présents dans le sang, dont la qualité et quantité dépendent du régime alimentaire de la mère. Il en est de même pour le lait maternel dont les composants et donc le goût sont liés aux aliments consommés par la mère.

On apprend aussi que la mémoire des odeurs de la vie gestationnelle est active chez le nourrisson immédiatement après sa naissance et dure plusieurs semaines voire plusieurs mois sous réserve de stimuler le circuit olfactif pendant une période sensible (environ 1h après la naissance) : l’exposition de l’enfant à du liquide amniotique ou du lait maternel est alors particulièrement bénéfique.

Cette mémoire des odeurs lui permet de mieux s’adapter à sa vie extra-utérine comme une continuité entre sa vie fœtale et sa vie de néonatale. Plusieurs études ont aussi montré que l’odeur du lait maternel pendant un événement douloureux (acte médical par exemple) permettait à l’enfant  de soulager sa souffrance (évaluée par des paramètres physiologiques comme le rythme cardiaque, le niveau de cortisol et l’oxygénation du sang).

Qu’en disent les principaux intéressés ?

Une étude japonaise s’est intéressée à 48 nouveau-nés en parfaite santé stimulés olfactivement par trois types de lait (lait maternel, lait d’une autre mère, et lait d’une formule commerciale). L’effet apaisant de la stimulation olfactive ne s’est produit que dans une seule configuration : suite à l’exposition au lait de sa propre mère. Il y a donc un effet de sélectivité et certains chercheurs l’affectent aux gènes impliqués dans le système de reconnaissance propre à chaque individu.

Des moyens d’investigation simples permettent de comprendre où va la préférence des bébés.  La préférence olfactive des nourrissons a ainsi été étudiée (tests réalisés avec du lait maternel, lait de formulation ou solution saline). Le lait maternel a suscité plus d’enthousiasme (mouvements de têtes et activation buccale plus intenses) et cette préférence était indépendante de l’expérience de l’enfant (un nourrisson non allaité était aussi attiré préférentiellement par le lait maternel). Le lait de formulation a, pour sa part,  était jugé plus attirant qu’une solution neutre. Ce résultat montre donc que tous les bébés auraient une préférence spontanée pour le lait maternel.

Les odeurs aréolaires et leurs effets

Y aurait-il autre chose au-delà de l’odeur de lait ? Parmi les composés volatiles, les plus étudiés sont ceux issus du colostrum et du lait excrété par le mamelon lui-même. Même si l’anatomie du sein est décryptée depuis fort longtemps, les glandes de Montgomery sont encore l’objet de travaux intéressants. Ces glandes situées sur l’aréole formées par association d’unités sébacées et lactifères, se développent pendant la grossesse et l’allaitement.
Apparemment ces glandes émettent des composés volatiles qui activent une réponse comportementale autonome chez le petit humain. Beaucoup de ces composés volatiles sont identiques à ceux du lait mais d’autres sont bien spécifiques (des études restent nécessaires pour en savoir plus).

Les glandes aréolaires (en plus de leur rôle lubrificateur) interviennent donc aussi dans la communication chimio-sensorielle entre la mère et l’enfant. Elles permettent de réguler les états d’éveil, stimulent l’appétit, intensifient les mouvements de bouche et de tête et l’activité respiratoire.

La situation idéale d’un point de vue stimulation olfactive est de laisser l’enfant s’approcher des seins de sa mère pour téter spontanément.

L’ensemble des articles scientifiques à ce sujet, nous prouve que la stimulation olfactive du nouveau né par le contact avec les seins de sa mère, est une véritable nourriture psychologique et émotionnelle, un pont entre sa vie fœtale et sa vie extra utérine. Cette odeur maternelle, il l’apprécie et la recherche.

Retenons aussi l’impact thérapeutique, notamment pour les enfants prématurés (nette diminution de l’apnée -avec et sans bradycardie- par stimulation olfactive).

 

Références
1- Winberg et al. Acta Paediatrica 1998

2- Browne,  Newborn and Infant Nursing Reviews, 2008

3- Marlier et al.  Pediatrics 2005

4- Nishita, et al. , Neuroscience Research , 2009

5- Romantshik et al. Acta  Paediatrica , 2007

6- Marlier et al.,  Child Development  2005

7- Geddes, Infant, 2007

8- Doucet , PLoS ONE 2009

 http://www.breastcrawl.org/science.shtml

[Auteure] : Pascale Baugé
[Biographie] : De formation scientifique (docteur-ingénieur en génie des procédés), Pascale est très investie dans le monde des sciences en général. Tous les sujets l’intéressent, d’ailleurs elle ne se pose pas de limite car elle aime vulgariser des notions complexes et rendre les résultats des travaux des chercheurs accessibles au plus grand nombre.

A la naissance de son premier enfant il y a 14 ans, elle découvre l’allaitement avec bonheur mais se heurte aussi à quelques difficultés. Et voilà un nouveau sujet passionnant à fouiller !  Depuis, elle a eu deux autres enfants, allaités longuement, et n’a de cesse de lire et fouiller la littérature scientifique, synthétiser et diffuser l’état des dernières connaissances sur l’allaitement maternel: ce qu’on sait, mais aussi ce qu’on cherche à comprendre, car il y a encore tant à découvrir. Elle anime le blog “Allaitement, bonheur et raison

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