Je reviens aux nouvelles auprès de Marie une semaine après la freinectomie (°), alors qu'Arthur a un peu plus d'un mois. Il tête de mieux en mieux, mais pendant des heures. Je donne alors à Marie des pistes pour viser l'efficacité des tétées, mais le lendemain, elle me rappelle, catastrophée. En allant faire peser son bébé à la PMI (°°), elle a constaté qu'il n'a pris que 30 grammes en une semaine.
Des facteurs d'angoisse multiples
La situation devient préoccupante. J'adresse Marie à une consoeur consultante en lactation certifiée IBCLC de sa région, pour que celle-ci observe une tétée. Après ce rendez-vous, les choses s’arrangent enfin. Arthur prend 150 grammes en trois jours, échappant de justesse à l'hospitalisation prévue par la PMI dans le cas contraire. La situation est tendue mais l’évolution du poids est très positive grâce au véritable accompagnement de qualité amené par la consultante, qui redonne espoir à Marie.
Malgré cela, dans la semaine qui suit, Marie est appelée quotidiennement par la PMI, qui exige une tétée-pesée (°°°) systématique, et un biberon de lait artificiel après chaque tétée. Ce biberon permet certes une meilleure prise de poids, cependant il entrave l’allaitement. Mais Marie n'a pas besoin de stress supplémentaire, et comme chacun le sait, la tétée-pesée en est un, tout comme la menace de l'hospitalisation d'Arthur. C’est pour elle et son mari un véritable calvaire.
Des hauts et des bas
Les deux mois qui suivent sont une succession de hauts et de bas : prise de poids parfois correcte, parfois mauvaise et dans ce cas associée à un stress renforcé par les menaces d'hospitalisation qui ne cessent pas. Arthur supporte mal le lait artificiel et souffre de coliques. Marie fait tout ce qu'elle peut pour donner en majorité son lait.
Je ne vous parle pas de l'histoire de la balance complètement fantasque louée à la pharmacie… Marie a mis du temps à se rendre compte que cette balance donnait des mesures fausses… Elle n'avait pas besoin de cela non plus…. Et puis, elle doit reprendre le travail, ce qui n’est jamais facile pendant l’allaitement, mais encore moins dans ces conditions!
Nous essayons à peu près tout ce qui est imaginable pour augmenter la prise de poids d'Arthur, des positions les plus variées (c'est la position naturelle qui est finalement adoptée), à la compression du sein, en passant par la vidange manuelle après la tétée pour augmenter les quantités… Je n’arrive pas à bien comprendre quel est le problème : les résultats sont en demi-teinte et en décembre, j'avoue à Marie mon impuissance à aller plus loin et lui demande donc de retourner voir la consultante IBCLC de son secteur.
Rebondissement
Incroyable : il s'avère que le frein de langue a été insuffisamment coupé! Marie reprend rendez-vous avec l'ORL, le coeur empli de sentiments d'espoir et d'angoisse mêlés : Arthur a plus de 3 mois, il est possible que le médecin refuse d'intervenir de nouveau. Et, soulagement intense, il reconnaît que le frein de langue est encore trop important et le coupe à nouveau.
De retour à la maison, Arthur prend le sein et Marie sent immédiatement les bienfaits de l'opération. Arthur peut maintenant bouger librement sa langue (cela l'amuse beaucoup d'ailleurs). Mais pour autant, la situation ne va pas devenir rose d'un coup de baguette magique.
Actuellement, Arthur est allaité majoritairement, cependant il n'a pas perdu toutes les mauvaises habitudes qu'il a acquises à cause de son frein de langue. Sa prise du sein n'est pas parfaite (il tête sa lèvre par exemple, et il n'y a rien à faire pour l'en empêcher).
Marie est obligée de le compléter pour qu'il prenne du poids.
Un succès avant tout
Il n'en reste pas moins que cette histoire est un incroyable succès pour cette famille : même s'il est mixte, cet allaitement apporte beaucoup à Arthur, d'autant qu'il est né avant terme.
Alors, du fond du coeur : bravo Marie!
Et j'espère que votre expérience pourra faire réfléchir les médecins, pédiatres, ORL, qui nient par méconnaissance l'importance des freins de langue en allaitement.
Qu'elle puisse aussi questionner les instances médicales pour que l'intervention puisse être pratiquée en toute sécurité dans tous les départements français (il existe une technique sûre et fiable utilisant un rayon laser, mais elle n'est pas assez connue…). L'intervention devra bien sûr être suivie. Je fais mon mea culpa : à aucun moment je n'ai imaginé que le frein de langue aurait pu ne pas être assez sectionné, et Marie a encore perdu de précieuses semaines.
Pour conclure, j'émets le souhait fou que dans les années qui viennent, le problème du frein de langue soit pris en charge correctement et rapidement quel que soit l'endroit où est né le bébé (il faut reconnaître qu'Arthur est né dans une région vraiment sinistrée…)
Qu'est ce qui sera le plus rapide à se réaliser à votre avis? Ce souhait? Ou la création d'une légion d'honneur de l'allaitement?
(°) la freinectomie est une opération qui consiste à couper la partie gênante du frein de langue
(°°) PMI (Protection Maternelle et Infantile) : service départemental oeuvrant pour la santé des femmes et de leurs jeunes enfants
(°°°) la tétée-pesée consiste à peser bébé avant et après la tétée pour noter quelle quantité de lait a été ingérée